Magazine Santé
Pour en arriver au détail des évènements, il faut en revenir à Décembre 2009, avec la visite du Directeur Général de l'AP-HP, Monsieur Benoit Leclercq, au Député-Maire de Draveil, Monsieur Georges Tron, président du Conseil de Surveillance de l'Hôpital.
C'est que le contexte général est inquiétant : l'AP-HP s'engage dans un plan de réduction de son déficit par des économies de l'ordre de 100 millions d'euros par an en s'appuyant sur des réductions de personnel (3000 à 4000 sur les 90000 emplois de l'AP-HP, dont 50% de soignants et 50% d'administratifs), des économies de fonctionnement en regroupant des activités dispersées (d'où le regroupement annoncé des trois services de grands brûlés de l'AP-HP sur le site unique de Saint-Louis), des choix entre réhabilitations de structures et réaffectation de lits dans des structures en meilleur état (d'où le transfert annoncé de lits de l'Hôtel Dieu, trop cher à rénover, vers l'Hôpital Necker, plus économique à développer). D'ailleurs, l'ambiance ne tient pas à la seule AP-HP, mais subit de plus la prochaine mise en place au 1er Avril 2010 de l'ARS, dont le premier directeur sera Monsieur Claude Evin, d'ors et déjà en place comme responsable préfigurateur depuis Septembre 2009. Or Monsieur Evin n'a jamais fait mystère ni de sa vision rigoriste des nécessités d'équilibre du budget de la santé, ni de son ambition de réduire les marges de manoeuvre spécifiques de l'AP-HP.
Cette visite donc, du Directeur Général de l'AP-HP au maire de Draveil, est marquée par la réassurance quant au maintien de l'activité de l'Hôpital. Des promesses sont semble-t-il présentées, des engagements pris. Les projets de restructuration de l'AP-HP, le plan de réduction drastique de personnel ne devraient toucher qu'à la marge l'Hôpital. Tout va bien. D'ailleurs l'Hôpital vient d'être réhabilité à grands frais, son taux d'occupation des lits de SSR est remarquable aux environs de 95% en 2009, son activité est largement orientée sur la proximité et ne dépend de patients parisiens que pour une faible proportion.
Mi Janvier, le vent commence à tourner. Le Conseil Exécutif de l'AP-HP, instance réduite de quelques personnes, entérine un vaste projet de restructuration dont les détails ne tardent pas à être connus, et prennent une forme visible début Février, affectant l'Hôpital Joffre-Dupuytren dans les proportions que l'on sait : transfert d'une première tranche de 68 lits de SSR sur l'Hôpital Rotschild pour l'automne, et transfert des postes soignants correspondants à l'avenant. Heureusement pour une administration toute-puissante, une nouvelle réglementation impose la mobilité à tout fonctionnaire, y compris dans la fonction publique hospitalière. Dans sa grande humanité, l'administration autorise l'intéressé à refuser deux propositions de réaffectation avant que son refus de la troisième ne soit synonyme d'éjection vers la case Pôle Emploi. Dans « Le parrain », Don Corleone disait déjà « Je vais lui faire une proposition qu'il ne pourra pas refuser », mais à l'époque on savait que c'était du cinéma.
Il faut noter que l'annonce de ce plan opérationnel prend nombre de médecins à contre-pied, ces-derniers ayant été depuis des mois mobilisés sur une réflexion initiée par la loi HPST concernant la recherche de complémentarités locales avec les structures de soins de la proximité. L'annonce tombe ainsi comme un couperet sans attendre la fin de cette réflexion pour laquelle des réunions de travail se tenaient encore quelques jours avant.
Le maire de Draveil, quant à lui, n'apprécie pas du tout la surprise, surtout compte tenu des assurances reçues en Décembre, et le fait savoir tant sur le bulletin municipal que par voie de presse ou en rencontrant les personnels de l'hôpital.
Pour se faire une idée concrète des choses, 68 lits correspondent à deux étages de l'un des deux bâtiments de l'hôpital, soit environ 15% de la capacité de l'Hôpital Dupuytren. Le nombre de soignants concernés s'élève à environ 110 personnes. Les conséquences de la fermeture annoncée parallèlement du Laboratoire de Biologie s'évaluent quant à elles en termes de qualité de service et de niveau de prise en charge médicale, pour ne rien dire des déplacements des personnels concernés.
Pour faire bonne mesure, la valse administrative des réaffectations de directeurs d'hôpitaux, prend une ampleur insoupçonnée. L'ensemble du Groupe Hospitalier mis nouvellement sous la tutelle de l'Hôpital Henri Mondor de Créteil est maintenant régi par un directeur unique et un certain nombre de directions centralisées. Les anciens directeurs de chacun des hôpitaux se retrouvent ainsi bridés en « directeurs de sites », à la tête de directions locales squelettiques. Et comme il n'est pas commode de faire passer la pilule, et que la priorité du moment passe à l'application de directives centrales autoritaires plutôt qu'à l'ancienne gestion locale du fonctionnement de l'hôpital, mieux vaut des hommes nouveaux à ces fonctions nouvelles. Le directeur de l'Hôpital Joffre-Dupuytren, bien que nommé à ce poste il y a un an à peine, prend de nouvelles fonctions comme DRH général du Groupe, et est remplacé localement par un nouveau directeur devenant Directeur de Site. Evidemment, les personnes elles-mêmes ne sont pas en cause, mais le mouvement général et le vaste jeu de chaises musicales parlent d'eux-mêmes.
Quand le nouveau Directeur de Site prend ses fonctions mi-Février, il est accueilli par une CCM extraordinaire convoquée à la demande des médecins qui viennent de se constituer en Collectif de Défense de l'Hôpital, qui lui manifestent leur incompréhension de voir l'Hôpital traité de la sorte, leur inquiétude quant à son avenir. Ils lui expriment leur lecture des événements comme étant le produit d'une logique comptable dans laquelle aucune place n'est laissée à une perspective médicale voire simplement soignante, et dans laquelle la notion de concertation semble tout bonnement ignorée.
Parallèlement, les personnels se mobilisent dans l'hôpital. Les autres hôpitaux soumis aux mêmes intempéries font de même, tant au niveau médical que soignant.