Dans son dernier livre « L'illumination, le chemin dans la jungle », Dennis Waite tape fort sur l'enseignement du néo-vedanta.
Dennis Waite est un auteur très interessant ; il a notamment écrit un livre de référence sur l'advaita vedanta « Back to the truth : 5000 years of advaita » que nous allons publier chez Almora dans quelques mois (il est en cours de traduction). De plus, Waite anime un site très complet sur l'advaita vedanta : www.advaita.org.uk
Ici il s'en prend au courant satsang ; sont visés des gens comme Jeff Foster, Wayne Liquorman, Tony Parsons , Adhyashanti, etc. Le neo-vedanta ne désigne pas ce courant de la fin du XIXème siècle (Ramakrishna, Vivekananda) mais un mouvement apparu depuis les années 90 en Occident sous l'influence de Poonja essentiellement.
Que lui reproche Waite ?
Beaucoup de choses parfois justifiées, parfois moins.
D'après lui, ce mouvement d'enseignants est plutôt négatif (p20). Assister à des satsangs n'est pas recommandable (p 137). Ce sont surtout des paroles creuses (p 129) qui peuvent même conduire le chercheur à « une totale désespérance » (p 129). Cette méthode d'enseignement est un échec (p. 123). Waite parle même au sujet de ces enseignements de « fast food » de l'enseignement non-duels (p 115). Certains de ces enseignants recherchent surtout de l'argent facile (faire payer cher ou très cher pour dire qu'il n'y a rien à faire est un bon business pas fatiguant (p 125)). Les satsangs sont très répétitifs et finalement tout le monde peut en donner en répétant comme un perroquet : « il n'y a rien à faire, il n'y a rien à faire ». Ces enseignants d'ailleurs n'ont aucune autorité n'étant reliés à aucune lignée traditionnelle (sampradaya). Des mots durs sont employés : charlatans, immoralité...
Les satsangs sont populaires parce qu'ils affirment qu'il n'y a rien à faire et que nous sommes déjà illuminés. Il correspond bien, d'après Waite, à la mentalité des occidentaux qui veulent tout tout de suite, qui sont fainéants et rechignent devant l'effort, la discipline, l'ascèse.
Waite recommande donc de fuir ces enseignants à la mode pour trouver un maitre spirituel authentique issu d'un enseignement traditionnel (par exemple la lignée de Shankara)
Le constat est sévère, mais Waite présente des arguments interessants.
La cause du problème vient, d'après lui, d'une confusion entre le niveau de vérité ultime (paramartha) et le niveau de vérité relative (vyavahara). Pour Waite, dire que les gens sont déjà illuminés, qu'il n'y a pas de libre arbitre, qu'il n'y a rien à faire, qu'aucune pratique n'est nécessaire, qu'aucune voie n'est utile est une erreur. C'est vrai au niveau de l'absolu mais pas au niveau relatif, qui est celui où se situe le chercheur. Ainsi, cette absence de méthode n'est d'aucun secours pour le chercheur puisqu'on ne lui propose aucune voie spirituelle. Un véritable enseignement prend les gens où ils sont et leur offre un chemin vers la réalisation. Ce chemin prend des années d'ailleurs et non quelques heures. « Ne rien faire ne produira rien » (p 137).
Waite montre d'ailleurs une contradiction chez ces enseignants qui parcourent le monde pour enseigner qu'il n'y a aucun enseignement...Si il n'y a rien à faire, restons chez soi et taisons nous !
Ce que j'en pense
1-Pour l'argent, Waite a raison. Je l'ai déjà aussi dit sur ce blog : que ces enseignants « non-duels »arretent de faire un métier de la spiritualité. Soyez chauffeur de bus, professeur d'université, jardinier ou éboueur mais ne demandez pas d'argent pour la spiritualité et la non-dualité.
2-Waite fait un bel effort d'éclaircissement et d'élucidation. Il est important de voir ce qui distingue un enseignement traditionnel d'un enseignement moderne satsang. Mais Ramana Maharshi et Nisargdatta Maharaj n'enseignaient pas de manière différente de Tony Parsons : ils répondaient aux questions, étudiaient peu les textes traditionnels, et surtout parlaient au niveau de l'absolu. Maharaj ne s'embarassait pas de savoir à quel niveau se situaient les gens qu'il avait devant lui ; il enseignait directement la vérité pure et non-duelle.
3-Waite reconnait que l'enseignement satsang (il n'y a rien à faire , vous êtes déjà l'absolu) peut être valable pour les étudiant avancés. C'est vrai qu'il n'est pas valable pour tous et peut induire certaines personnes en erreur (il n'y a rien à faire, donc je ne fais rien et je reste ainsi dans l'ignorance toute ma vie. Je suis déjà éveillé...et je vis complètement identifié avec l'ego sans le voir). Mais je pense qu'il est essentiel qu'un tel enseignement radical existe. Certaines personnes sont parfaitement qualifiées pour l'entendre ; les autres pourront se tourner vers des enseignements graduels : il n'en manque pas.
4-Waite regrette que les enseignants satsangs n'aient aucune méthodologie et refusent toute technique. Je pense comme Waite qu'ils ont tort. Il existe des moyens efficaces pour retourner la flèche de la conscience sur elle-même, pourquoi s'en priver ? Ramana utilisait atma-vichara ; la discrimination de soi.
Que se passe-t-il pour tous ses gens qui vont écouter Parsons ou Foster ? Sont-ils vraiment transformer après une conférence ? Est-ce que cela ne reste pas au niveau du concept, des mots ? Cela peut fonctionner parfois c'est vrai (voir la non-voie anupaya d'Abhinavagupta) mais il faut aussi être capable de proposer (comme le faisait Douglas Harding) des outils pour pointer vers l'absolu non-duel . Waite ne dit pas un mot de Douglas Harding. Pourtant , on évite grâce à la Vision Sans Tête les défauts évoqués plus hauts.
5-Waite veut qu'on se tourne vers la tradition. C'était la position de Guénon aussi.
Mais je pense que les traditions ne sont pas les seules portes d'entrée vers l'absolu. L'absolu ne connait aucune limitation et se manifeste toujours de manière nouvelle. La vérité ne peut se laisse pas limitée dans les formes d'une tradition quelle qu'elle soit. Certes, il vaut sans doute mieux que l'enseignant connaisse les traditions (par exemple l'advaita vedanta) mais l'important est que la personne voit sa vraie nature. Dans bien des cas, cela suffit : le feu transmet le feu.
José Le Roy