Washington) - Le Maroc devrait immédiatement libérer un colonel major à la retraite qui purge une peine de 12 ans d'emprisonnement basée sur des accusations peu crédibles de divulgation d'un « secret de la défense nationale », a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans une lettre adressée au Roi Mohammed VI.
Âgé de 72 ans, Terhzaz purge une peine de 12 ans à la suite d’accusations pour divulgation d’un « secret »
Un tribunal militaire a condamné Kaddour Terhzaz, âgé de 72 ans, pour avoir partagé une information « secrète » avec un ancien pilote de l'armée de l'air en 2005. Mais cet ex-pilote avait déjà communiqué la même information dans une interview publiée dans la presse marocaine l'année précédente, a indiqué Human Rights Watch. L'information concernait l'équipement des avions de l'armée de l'air marocaine plus d'un quart de siècle auparavant.
« Quand un tribunal militaire condamne un officier à la retraite en 2008 pour avoir partagé une information trois ans auparavant concernant des avions utilisés dans les années 70, information qui était déjà publique de toute façon, il y a lieu de soupçonner qu'il est sanctionné pour tout autre chose », a remarqué Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
En 2005, Terhzaz a écrit une lettre au roi dans laquelle il déplorait ce qu'il considérait comme un traitement indigne par le Maroc d'anciens pilotes de l'armée de l'air. Le Front Polisario, qui demande l'indépendance pour le Sahara Occidental, avait abattu ces pilotes et les avait faits prisonniers durant la guerre pour le contrôle du Sahara Occidental menée dans les années 70.
Libérés après avoir passé un quart de siècle en captivité en Algérie et de retour au Maroc, certains des anciens pilotes ont essayé d'organiser une association afin de faire pression pour obtenir un meilleur traitement. En soutien à leur cause, Terhzaz, qui commandait autrefois les pilotes, a mentionné dans sa lettre au roi que ces pilotes avaient combattu alors même que leurs appareils n'étaient pas équipés de défenses anti-missiles. Terhzaz avait alors remis une copie de sa lettre à l'un des anciens pilotes.
Le 8 novembre 2008, les autorités ont arrêté Terhzaz et l'ont accusé de partager un « secret de la défense nationale » - l'absence de systèmes anti-missiles sur les avions de chasse des années 70 - avec une personne « non qualifiée » pour en avoir connaissance - à savoir l'ancien pilote à qui il avait remis la lettre. Lors d'un procès sommaire et non public qui s'est déroulé 19 jours plus tard seulement, et lors duquel aucun témoin n'a été auditionné, un tribunal militaire de Rabat a condamné Terhzaz à 12 ans d'emprisonnement. La Cour Suprême a confirmé ce verdict en mai 2009.
Terhzaz est détenu à la prison de Salé depuis 15 mois dans de dures conditions, incarcéré dans une cellule individuelle depuis le 30 novembre 2009 et privé de presque tout contact avec les autres prisonniers. Les autorités ont aussi limité son accès à des avocats.
La lettre de Human Rights Watch adressée au roi cite un article publié dans un quotidien marocain en 2004, qui donnait la même information que celle qui a valu à Terhzaz une peine de 12 ans d'emprisonnement quand il l'a mentionnée dans une communication privée une année plus tard.
Terhzaz détient les citoyennetés marocaine et française. Depuis son arrestation, les autorités françaises ne se sont pas exprimées publiquement à propos de son cas.
« Kaddour Terhzaz est en prison pour avoir révélé un ‘secret' qui était déjà public », a conclu Sarah Leah Whitson. « Le roi Mohammed VI, partisan des réformes judiciaires et commandant en chef des Forces Armées Royales, devrait prendre un intérêt tout particulier à remédier à ce qui apparaît clairement comme une grave erreur judiciaire. »
February 27, 2010 / Human Rights Watch]