Magazine Humeur
Prévenir. Faire de la prévention. Arrêter les crimes et les délits avant qu’ils ne soient commis, afin de protéger les victimes éventuelles et ne pas avoir à réprimer les délinquants. C’est le grand credo moderne. Le grand credo de la gauche. Et de la droite d’ailleurs. Enfin, droite…
Mais la prévention me paraît dangereuse. Beaucoup plus dangereuse pour les libertés individuelles que la répression.
Je m’explique. Dans un système répressif, l’Etat vous traite par la matraque, le tazer, les menottes, la prison, mais seulement une fois que vous avez franchit la ligne jaune. Aussi longtemps que vous restez sur les clous, l’Etat ne s’intéresse pas à vous et vous laisse tranquillement faire ce que vous voulez. Vous restez tranquillement à l’abri de la puissance étatique tant que votre déviance ne dépasse pas les limites de l’acceptable.
Alors que dans un système préventif, l’Etat s’intéresse à vous à priori, avant même que vous n’ayez fait quoi que ce soit. Vous êtes considérez comme un délinquant en puissance, et l’Etat entend vous soigner pour que vous ne menaciez pas la société. Il ne vous traitera pas à coup de matraque et de gaz lacrymogène, mais à la place de policiers, vous aurez des éducateurs, des profs, et des médecins. Plutôt que le tazer et la prison, vous subirez antidépresseurs, dialogue et lavage de cerveau.
Certes, c’est moins désagréable sur le coup. (Encore que. Être obligé de dialoguer avec des connards qui agissent pour mon propre bien me paraît bien pire qu’être passé à tabac par un régiment de CRS ivres.) Mais ça consiste à interdire aux gens non pas de transgresser la règle, mais même de penser la transgression. Avec la répression, on traite ceux qui transgressent. Avec la prévention, on traite ceux qui sont considérés comme susceptibles de transgresser un jour.
Alors certes, je n’ai rien contre le fait qu’on mène des politiques de prévention structurelles de type lutte contre les inégalités, dynamitage des trop grandes villes ou destruction systématique et absolue de toutes les agences publicitaires et des chaînes de télévision. Certes, je n’ai rien contre le fait qu’on explique aux enfants dans les écoles que ce n’est pas bien de tuer, violer ou voler les gens.
Mais le problème, c’est qu’entre dire qu’il ne faut pas agresser son prochain et dire qu’il ne faut pas fumer sous peine d’être un paria, il n’y a qu’un pas. Comment ? On me signale dans mon oreillette que ce pas a déjà été franchi ? Que les écoles sont déjà des centres d’endoctrinement où on apprend aux gens à être de bons citoyens tolérants, écolos, sains, antiracistes ? On soupçonnerait même que c’est pour ça que 35% des enfants ne savent pas lire correctement ? Merde, je suis en retard !
Il n’y a rien de plus efficace que la prévention. Si vous voulez que les gens soient de bons petits consommateurs dociles, des travailleurs disciplinés, qu’ils soient en bonne santé et pensent correctement en faveur du métissage, il faut ne rien leur enseigner et à la place leur laver le cerveau dès le plus jeune âge. Certes, vous aurez besoin de beaucoup moins de flics, mais ces gens ne seront guère plus que des robots lobotomisés préparés à faire faire des économies à la sécu.
Si à la place vous voulez des hommes libres, il vous faut vous contenter de leur transmettre les savoirs et laisser aux familles le soin de l‘instruction morale. Après il vous faudra beaucoup plus de policiers pour protéger les personnes et les biens et empêcher de sombrer dans le chaos. Mais même dans un Etat policier, les gens garderont la possibilité de penser la révolte, quand, dans un Etat citoyen tolérant et festif, elle se situe hors de leur champ du possible.