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Objections de l’ange

Par Montaigne0860

Objections de l’ange- Je sais bien dit l’ange qu’il y a des hauts et des bas, comme le ciel et la terre, mais moi qui suis justement dans l’entre deux, je te prie instamment de retrouver le temps présent avec ses cris de joie et son enfance inaltérable.
- Tu veux dire que j’ai oublié l’haleine tendre des ciels gris mauve et l’or des nuits lorsque la lune croit sur le souffle des petits endormis.
 - Je ne sais, dit l’ange, mais tes phrases confinées et tes résignations ressemblent peu à ton sourire intérieur …
- Que sais-tu de mon sourire ?
- Je le connais, cela suffit, dit l’ange. Laisse libre cours à ta nature ouverte ; le cœur noisette et les enfants débordant d’espérance devraient te faire tendre les bras vers l’avant sans pour autant toujours viser la barque qui guette là-bas sous le ciel défait d’étoiles.
 - C’est la saison sans doute et le temps, celui qu’il fait, celui qui va, cette double contrainte qui me rive au destin. Mais vois, j’écris…
- Oui, oui, et tes textes ne me déplaisent pas, mais là, tu vois, il est l’heure de chanter le jour.
- Le bonheur, cher ange, c’est déjà écrire. Chaque texte, tout mélancolique qu’il soit, est signe que l’envie avec ses vives trouvailles vient du rêve éveillé. Je laisse aller, je t’assure, ce lourd pas des mots qui me pressent dans une semi-conscience où le vide se peuple au bord de mon gré. Le fil n’est jamais perdu.
 - Il est des amours, dit l’ange, qui devraient te sortir de l’ornière où parfois tes proses et vers s’empoissent de vase sèche.
 - Quelles amours ?
 - Le beau, mon ami, dit l’ange. Vois la visiteuse par exemple, ne te méprends pas sur ce qu’elle dit. Il faut être hors du monde pour écrire, certes, mais elle laisse entendre qu’en écrivant tu fais ce détour nécessaire pour ressaisir la vie. Car tu es comme les autres, même hors du temps, lorsque tu parles dans ton carnet, l’horloge n’en poursuit pas moins sa course. Ne l’oublie pas sinon tu risques à ce train-là de rater le retour des hirondelles !
- Ça, c’est impossible, dis-je en riant.
- Oui, je me moque un peu, dit-il. Et j’ajouterai même que l’on n’a aucun intérêt à me prendre tout à fait au sérieux.
- Et la visiteuse ?
- Oh, dans son calcaire ombré, parfois ocre, elle est si belle… et elle est sans aucun doute bien plus sérieuse que moi.
- Mais qui est-elle ?
- Eh bien, malgré les apparences sculptées, c’est un murmure naturel, paroles de branches et de vent, elle est toutes les fleurs à venir et de plus, elle guette tout signe qui lui rendra la vie. Allez… car seuls les vivants peuvent donner forme aux figures rêvées qui sinon s’ennuient tellement dans leurs robes lointaines.


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