B.Obama était adoré de la foule. Il avait une majorité absolue partout. Son opposition était ridiculisée et désorganisée. Or sa première année de mandature a tourné à la Bérézina. Les Démocrates se sabordent plutôt que de se présenter aux prochaines élections. Obama devient impopulaire. Les ténors de son camp l’insultent. Comment en est-on arrivé là ?
Voici ce que j’ai retenu de ce que disent les commentateurs :
La déroute
- Ses partisans ont fait des caprices, se sont montrés peu unis, d’où frein au processus de réforme, mais aussi réformes encombrées par des demandes populistes ou idéologiques, qui les vident de leur efficacité et inquiètent les foules.
- « Tea party ». Ce mouvement populaire dénonce la remise en cause des valeurs de la nation américaine. Il voit du « socialisme » dans les réformes d’Obama et elles menacent d’augmenter la taille de l’État.
Ce mécontentement produit la perte d’un siège de sénateur. Fin de la « super majorité » démocrate. Échec et mat ?
Stratégie des Républicains
La position des Républicains est curieuse.
- Leur stratégie depuis Reagan est « d’affamer la bête », d’éliminer les ressources de l’État pour le forcer à se réformer. Mais, le gros de ses coûts, c’est l’armée et la protection sociale, des dépenses auxquelles les Américains tiennent plus qu’à tout. Si les Républicains sont contraints à expliquer comment réduire la taille de l’État, ils seront fatalement impopulaires (et on découvrira qu’ils ont énormément contribué aux dépenses).
- Leur jeu est donc d’empêcher le processus de réforme d’en arriver là. Ils attisent le procès d’intention populaire.
Le succès est grand. Les prochaines élections sénatoriales vont-être fatales aux démocrates. N’ont-ils pas collaboré à une réforme honnie ? Les sénateurs démocrates, terrorisés, annoncent leur retraite. Ça devient une épidémie.
Pas encore convaincu que l’Américain est un veau seulement digne de la dictature ? Le coup de grâce :
Pourquoi le Massachussetts, état hyper démocrate, vient-il d’élire un Républicain ? Par peur que la réforme du système de santé compromette le sien. Or le principe même de cette réforme est d’étendre le système de santé du Massachussetts aux USA !
Obama aux nerfs d’acier ?
Mais B.Obama ne perd pas son calme, et ne claque pas la porte.
Il a réuni les deux camps et leur a demandé d’identifier leurs accords et désaccords :
- Comme on peut s’y attendre, il y a accord sur les objectifs de la réforme. Il ne reste plus à B.Obama qu’à demander aux Républicains comment ils comptent les mettre en œuvre. Un piège dans lequel ils ne veulent pas tomber. Ils recourent à des sophismes (notre système est le meilleur : le premier ministre canadien se fait soigner chez nous), qu’il n’est pas difficile à l’esprit rationnel d’Obama de ridiculiser (je ne parle pas d’une personne, riche, mais de toute la population, pauvre). Encore faut-il que cela soit perçu par l’électeur. Et c’est là qu’Obama semble retourner la situation :
- Une sorte de gentleman agreement voulait que le vote d'une loi au Sénat demande une « super majorité ». En droit, une majorité simple suffit. B.Obama estime que, contrairement à ce que l’on croyait, le peuple ne lui tiendra pas rigueur du procédé : il veut des résultats.
- On disait que, le peuple n’aimant pas la réforme de la santé, les chances de réélection de celui qui y contribuait étaient nulles. B.Obama explique qu’une absence de réformes est une preuve d’impuissance bien plus dangereuse.
Et si le peuple récompensait les démocrates d’avoir fait passer une loi servant le bien public ? Et s'il finissait par tenir rigueur du refus tactique de collaboration des Républicains ? L’union sacrée pour servir la cause commune n’est-elle pas une valeur américaine ?
B.Obama va-t-il amener les Démocrates à moins d’idéologie ? Les Républicains à moins de tactique politicienne ? Va-t-il les amener à la raison ?
Commentaires
Obama semble changer de stratégie. Il a joué la séduction, il a démontré son manque de charisme. C’est un calculateur à sang froid. Aujourd’hui il paraît attirer ses opposants sur son terrain. Celui de la rationalité.
Ce qui précède est caricatural. J’ai « surinterprété » les événements. Mais, au moins, c’est une position de départ pour décoder la suite de la négociation.
Compléments :
- Ce qui peut expliquer un éventuel biais de mon interprétation, est que ce que j’écris ici ressemble beaucoup à ce que je dis, de par ma profession :
- Ce qui bloque une négociation est que l’on s’affronte sur le moyen, pas la fin. Il faut donc savoir revenir à cette dernière. Une fois que l’on a un objectif commun, il faut chercher une solution qui satisfasse les contraintes des deux camps. La démarche s’exprime en deux principes : passer de l’émotionnel au rationnel et du face-à-face au côte-à-côte. (FISHER, Roger, URY, William L., Getting to Yes: Negotiating Agreement Without Giving In, Penguin, 1991.)
- La remise en cause d’hypothèses inconscientes, que B.Obama semble avoir provoquée, est l’étape initiale de tout changement (« insight » des psychologues).
- B.Obama serait-il un optimiste ?