Le Gabon reconnaissant
En juin dernier, Nicolas Sarkozy avait été hué lors des funérailles d'Omar Bongo. Les sifflets étaient plutôt destinés aux médias français, avait-il expliqué. Il était surtout le seul chef d'Etat occidental présent à cette cérémonie, signe d'un attachement indéfectible. En août dernier, un scrutin présidentiel contesté plaçait Ali, fils d'Omar, à la tête du pays. Des émeutes font une quinzaine de morts (3 selon la police). La France n'avait pas de candidat... officiellement. Le secrétaire d'Etat Alain Joyandet explique que l'élection a été «acceptable». La France est neutre, la Françafrique, c'est fini ! Puis, patatras ! Un avocat lobbyiste historique de la Françafrique, Robert Bourgi, rappelait publiquement et brutalement le gros morceau que tout le monde savait : Jean-Marie Bockel, prédécesseur de Joyandet à la Coopération, a été viré de son poste sur un simple coup de fil d'Omar Bongo l'an passé. La Françafrique est bien vivante. Sur place, Nicolas Sarkozy a démenti tout soutien au fils Bongo lors du dernier scrutin: «J'ai grande confiance dans votre président, mais je défie quiconque de pouvoir démontrer que la France avait un candidat dans l'élection présidentielle. Ceux qui qui disent cela ne connaissent pas l'Afrique et ne connaissent pas la France». Et si c'était justement l'inverse ?
Pour ce voyage, Nicolas Sarkozy est allé s'incliner, évidemment, devant le mausolée de feu le président Omar Bongo Ondimba. Bernard Kouchner est du voyage, lui qui fut salarié - pardon - consultant de l'Etat Gabonais jusqu'à quelques jours avant de prendre ses fonctions de ministre des Affaires Etrangères en 2007. Alain Joyandet accompagne aussi son président. Il commerce souvent avec l'Afrique. Son entreprise de distribution de bateaux de plaisance utilise des bois précieux africains. Au Gabon, Nicolas Sarkozy a promis l'annulation d'une partie de la dette gabonaise en échange d'un programme de lutte contre la déforestation... Sans blague ?
Nicolas Sarkozy aime les dictateurs quand ils sont utiles. Et utile, le Gabon l'est assurément. La semaine dernière, la France a dû se résoudre à fermer sa base militaire au Sénégal. Il ne restera qu'une implantation militaire française en Afrique... au Gabon. Comme le rapporte Régis Soubrouillard (Marianne2), l'Elysée a fait préparer un plan d'action stratégique avec le Gabon pour solidifier son implantation : « appui aux forces armées gabonaises dans un cadre régional » ; « formation de la police et de la gendarmerie dans la perspective de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 » ; « bonne gouvernance avec la réforme de l’administration » ; annulations de dettes « reconverties pour la préservation de la forêt » ; ainsi qu'une flopée de nouvelles aides au développement dans les domaines des infrastructures de transport ou d'énergie. Le Gabon est également un site crucial pour la filière nucléaire française. Et partout en Afrique, la France s'inquiète pour l'avenir de ces ressources cruciales pour la crédibilité de son discours pro-nucléaire. Au Niger voisin, l'Elysée voit ainsi d'un mauvais oeil les tentatives chinoises et iraniennes.
Nicolas Sarkozy a justement visité le «Centre international de recherche médicale de Franceville», le Cirmf. Ne vous y trompez pas. Cet établissement est financé par Total, ainsi que les Etats français et gabonais. Il y a quelques jours, le CIRMF était soupçonné d'avoir déversé des produits chimiques dans la nature. Une filiale d'Areva a porté plainte contre X.
Rwanda, la réconciliation ?
Le pouvoir rwandais n'a cessé d'accuser la France d'avoir été complice du génocide des Tutsis en 1994. Aujourd'hui serait venu le temps de la réconciliation. Certains voient dans cette visite de Sarkozy une mauvaise affaire. Le Rwanda a peu de ressources naturelles, peu d'habitants (9 millions) et n'a jamais été une colonie française. La visite étonne. Nicolas Sarkozy aime les dictateurs quand ils sont utiles. En quoi Paul Kagame est-il «utile» ?
Pendant cette visite, Nicolas Sarkozy a dénoncé les «graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement quand nous n'avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président qui a été assassiné, des erreurs dans une opération Turquoise engagée trop tardivement et sans doute trop peu». «Ce qui s'est passsé ici est inacceptable, mais ce qui s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable». Le Monarque reconnaît donc les erreurs de la France, mais ne s'excuse pas. Un curieux concept, très diplomatique. Pas de repentance, Nicolas Sarkozy déteste cela. Un journaliste lui a tendu pourtant la perche, en citant les exemples de la Belgique et de Bill Clinton, qui ont présenté des excuses au Rwanda. Sarkozy s'est agacé : «chaque pays a son histoire». «Nous ne sommes pas ici pour s'amuser, pour faire la course au vocabulaire». Plus tard, lors d'une visite d'un musée retraçant l'histoire du pays, le président français n'a pas bronché quand le guide l'interpela - «à deux reprises» rapporte l'envoyé spécial du Figaro - sur le rôle de la France dans le génocide de 1994. Le visage à peine souriant marqué par ses voyages successifs, la chaleur et la tension particulière de cette visite, Nicolas Sarkozy s'est prêté au jeu de la photo «serrage de main» avec son homologue rwandais.
Au Rwanda, Nicolas Sarkozy souhaite se donner une stature qu'il n'a pas. Le processus de réconciliation entre la France et le Rwanda a été long. Le paradoxe est qu'il fallut attendre un Monarque élu sur une promesse de cesser toute repentance pour en arriver là.
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- Nicolas Sarkozy et la Françafrique (Survie.net)