Cette affiche placardée dans le métro parisien m'a tout de suite interpellé. Encore un exemple de Shock doctrine que personne ne voit (ne veut voir?) et qu'on cache sous couvert d'humanitaire et de chansons de soutien à "Haïti Chérie" ?? Naomi Klein ne parlais pas particulièrement du cas Haïtien dans cette vaste manipulation qu'elle expliquait dans son livre, mais une rapide recherche sur internet, montre, qu'encore une fois, les US et consorts ont bien quelque chose à voir avec ces morts.
Voici donc l'article de Tom Reeves, traduit de l'anglais :
En avril 2004, mon article "Haïti : An American Learning Zone", expliquait les échecs de la politique américaine en Haïti à cette époque. Parmi ces échecs était l'aide US pour créer du travail "urbain", plutôt que de soutenir une agriculture durable. Ceci signifiait un soutien continu pour les usines de vêtements qui ont longtemps été des usines d'esclaves, avec un salaire minimum de moins de 2§ par jour. Ceci signifiait des actions pour que l'économie haïtienne soit reliée au libre marché mondial, plutôt qu'aux marchés régionaux et locaux. Les politiques économiques internationales, soutenues par la Banque Mondiale, ont ainsi "accrochés" les Haïtiens au riz américain moins cher (entre autres), détruisant le riz localement produit, ainsi que d'autres denrées alimentaires locales. D'une agriculture auto-suffisante, Haïti a été transformée en un avant poste profitable du néoimpérialisme.
En attendant, les USA ont totalement ignoré les conseils du mouvement de solidarité international crée pour Haïti (incluant Oxfam et Amnesty International). Ce mouvement insistait sur le fait que la démocratie haïtienne pouvait émerger seulement si avec une réelle économie contrôlée localement - en référence aux énormes mouvements paysans que connaissait le pays.
Lorsque le premier président démocratiquement élu d'Haïti, Jean Bertrand Aristide, fut renversé, non pas par une "rébellion" comme l'on dit récemment les médias US, mais pas un coup fomenté par les US eux-mêmes, les ONG prouvèrent qu'elles avaient raison. Sans une économie indépendante, il ne pourrait y avoir de démocratie.
L'erreur d'Aristide n'est pas d'avoir courtisé Cuba (qui ne l'aurait pas fait, sachant que seul Cuba a pu apporter en masse docteurs, ingénieurs et professeurs), ni qu'il osa proposer un salaire minimum de 5$ / jour. Son erreur a été de baser son administration sur un mouvement paysan créole, Lavalas, qui défiait la petite élite francophone et ses liens aux affaires américaines - une tendance que les US ont favorisé depuis au moins les années 1900 pour remplacer la France comme puissance coloniale. Un pays noir réellement dirigé par un peuple noir ne pouvait être toléré, à quelques kilomètres seulement du seul pays vraiment indépendant de l'hémisphère (Cuba).
A la fin de mon article de 2004, j'écrivis donc : "Il reste à voir qui des US ou du mouvement de solidarité internationale gagnera le plus de son expérience haïtienne. Espérons que ce soit le dernier - étant donné que les prochaines expériences viendront peut-être plus tôt que prévu, surtout si le régime Bush survit à sa débacle en Iraq et à l'élection de Novembre..."
Bush survécut, mais Bush est maintenant parti. L'Amérique n'a pas encore retenu les leçons d'Haïti. Obama siège maintenant à la Maison Blanche. Mais comme cela a changé très peu de choses en Afghanistan ou en Iraq, Obama et l'ancien premier couple Clinton (Clinton est l'envoyé spécial à Haïti, appelé le "gouverneur colonial" par certains leaders paysans) proposent juste la même chose !
Hillary Clinton osa dire que la situation d'Haïti après le tremblement de terre était une tragédie biblique - le travail de Dieu, en d'autres mots. A.N.S.W.E.R, un blog radical, l'expliqua mieux : le degré de souffrance suivant des désastres comme les cyclones de l'année dernière, et ce terrible tremblement de terre, n'est pas le travail de Dieu, mais celui de la politique américaine. En particulier son néolibéralisme, et ce qui va avec : constructions de mauvaise qualité, une croissance urbaine de Port au Prince de 50000 habitants en 1975 à 3 millions aujourd'hui, gonflée par des paysans fuyant l'agriculture haïtienne qui ne fonctionne plus de manière autonome et se réfugiant dans les bidonvilles. Comme A.N.S.W.E.R. l'explique, les bidonvilles sont alors devenus des tombes. Ce n'est pas une coïncidence si les cyclones massifs qui ont touché Cuba et Haïti avec une force égale prirent 800 vies haïtiennes, mais seulement 8 vies cubaines. Si 50 ou 100,000 Haïtiens sont morts dans ce tremblement de terre comme craint, plus de la moitié d'entre eux seront morts inutilement, ou plutôt à cause de l'avidité américaine.
Les Clintons ont clairement rien appris de leurs visites à Haïti, et Obama semble juste suivre le discours de "sauver le pauvre peuple haïtien", en envoyant des bateaux entiers d'aide et de marines. Clinton propose que Soros construise un énorme parc industriel textile pour développer, et non pour détruire les ateliers. Il propose des resorts chics pour touristes sur des plages éloignées et dans des palaces d'anciens empereurs. Il célébra 324 millions de dollars d'engagements en juin dernier de l'InterAmerican Devlopment Bank : l'ambassadeur d'Haïti Raymond Joseph dit que moins de 35% de ces engagements ont été vus en Janvier. Et 80% de tout l'argent arrivant servira à payer les salaires des "experts" non haïtiens, ou pour des biens et services contractés depuis les US. Pour finir, la banque refuse d'annuler la dette d'Haïti, et continue à collecter des intérêts énormes du gouvernement haïtien chaque année. Toujours pareil. Les US n'ont rien appris d'Haïti, car pour réellement en tirer les leçons, il faudrait abandonner ces "prérogatives d'empire", et les US - même dirigés par un président noir - ne sont évidemment pas prêts à considérer cette option.
La seule alternative pour Haïti, serait que la solidarité internationale revive, et pour les "gardiens de la paix" de l'ONU de laisser tranquille les activistes Lavalas, et ainsi permettre la revitalisation de leur mouvement. Peut-être cet horrible tremblement de terre peut choquer les "humanitaires" et "radicaux" américains et raviver leur intérêt en Haïti - et surement cela ravivra les envies révolutionnaires du peuple haïtien. Espérons le.
Sans cela, l'horreur ira encore et encore, enrichissant les coffres de l'économie et de la bureaucracie US, via diverses mesures d'aides alimentaires et matérielles, et continueras à dominer cette nation, qui fut la première a connaître une véritable révolution dans cet hémisphère.
Tom Reeves était Professeur au Roxbury Community College de Boston, et directeur du Caribbean Focus Program, qui a aidé neuf délégations d'activistes non gouvernementaux des US et du Canada à se rendre à Haïti pendant les présidences d'Aristide et de Preval, et pendant les coups d'état.
http://www.counterpunch.org/reeves01152010.html http://www.counterpunch.org/reeves04142004.html
Et pour aller plus loin : http://www.youjotube.com/related/QiaIr-Ku8z4 http://www.dailypaul.com/node/122072