Pour résumer, Sandow parle de deux concerts qu’il a entendu: Janine Jansen qui jouait le concerto de Sibelius avec l’orchestre du Royal Concertgebouw d’Amsterdam et celui de L’ECCO ( East Coast Chamber Orchestra) qui se tenaient tous les deux au Kennedy Center de Washington.
Les deux concerts étaient selon lui « consternants ». Trop de précision technique (???) et pas assez ou un trop-plein d’émotion respectivement pour l’ECCO et la violoniste. Il a donc décrété que l’ensemble de la musique classique devait trouver un nouvel équilibre.
Outre le fait que Sandow se base sur deux concerts isolés pour définir un postulat généralisé à tous les interprètes, il passe sous silence un paramètre pourtant essentiel: la recherche de l’émotion juste est le travail de toute une vie pour un interprète. Les interprètes critiqués sont relativement jeunes et ont besoin de temps pour faire évoluer leurs moyens respectifs vers la perfection. Mais leur potentiel est énorme, et ce travail aboutira avec le temps, j’en suis certain.
En s’écartant un peu de l’article proposé, une problématique sous-jacente apparait immédiatement. Dans une société où tout va de plus en plus vite, est-on encore capable d’attendre une maturité artistique qui demande de la réflexion et du temps pour se développer pleinement? Est-on encore capable de juger un artiste comme « en devenir » et pas comme un produit fini dès qu’il entre en scène? Je pose la question sans pouvoir vraiment y répondre…
Sandow soulève un point important dans son article: la focalisation des interprètes sur la perfection technique des exécutions. Mais ce désir n’est-il pas finalement sain? J’entends par là que par le voeu d’une exécution parfaite, nous exprimons notre souhait de nous libérer techniquement de l’instrument pour mieux nous exprimer artistiquement. La liberté technique n’est alors qu’un premier pas vers la liberté d’expression. Je considère cette focalisation, parfois excessive, comme un passage chez l’interprète jeune. Cette concentration sur le coté technique des choses évoluera sûrement vers une perfection artistique en son temps.
Il n’est pas non plus juste de ne pas tenir compte des paramètres extérieurs qui ont peut-être influencé les interprètes de ces deux concerts. Étaient-ils fatigués par une longue tournée? L’acoustique de la salle leur a-t-elle laissé penser qu’il fallait ajuster leur interprétation? Jansen a-t-elle trouvé que la salle ne renvoyait pas vraiment l’émotion et qu’il fallait un peu surjouer les choses ce soir-là?
Je vais m’arrêter ici concernant cet article. Pour conclure, je ne pense pas que la musique classique ait besoin d’une renaissance. Il faudrait arrêter de considérer les interprètes comme des machines à jouer parfaitement à tous les niveaux tous les soirs. Chaque concert est une aventure, avec les bons et mauvais cotés que cela peut avoir. La qualité d’une interprétation dépend de tellement de paramètres extérieurs au musicien que parfois les conditions ne sont pas réunies pour que nous puissions donner le meilleur de nous-même. Mais plus important encore, être interprète est une formation de toute une vie: il faut laisser le temps au temps et ne jamais oublier que nous sommes dans une optique de constante progression vers un équilibre fragile. Et, heureusement, nous ne savons pas tout ce qu’il y a à savoir à trente ans.
Articles connexes: