A lire cet article (presque dans son intégralité ci-dessous) sur le blog de Paul Jorion.. Le fossé qui se creuse.
Plus intéressant encore est le fait que les anciens clivages politiques ont cessé de jouer : les électeurs qui se sont enregistrés comme démocrate ou républicain sont très proches les uns des autres sous ce rapport. Le «populisme» dirigé contre les politiciens est devenu en Amérique le courant massivement majoritaire, regroupant entre les deux tiers et les trois quarts de la population. Au point que l'institut de sondage Rasmussen l'a débaptisé de «populiste» pour l'appeler désormais : «mainstream», autrement dit : «courant dominant».
Quelles sont les causes de cette perte de confiance massive ? Le sentiment qu'il existe une collusion entre la classe politique et le monde financier. La crise a été perçue par le public comme une faillite retentissante de l'establishment financier, qui en sort décrédibilisé. Or la classe politique semble avoir pris fait et cause pour le monde de la finance. Quand on demande aux Américains si la classe politique constitue un groupe d'intérêt poursuivant ses propres objectifs, 71 % répondent désormais que oui.
Observe-t-on quelque chose de similaire en Europe ? C'est difficile à dire : je n'ai pas vu d'enquête d'opinion à ce sujet. Un sondage IFOP - Le Monde publié le 19 janvier, mené en parallèle en France et en Grande-Bretagne, faisait apparaître, comme aux Etats-Unis, une désaffection massive - et du même ordre de grandeur dans les deux pays - envers le monde de la finance et de la politique aujourd'hui confondus.
Quels enseignements peut-on en tirer ? Ils sont de deux types. Il faut tout d'abord constater que la désaffection de la population envers la classe politique a atteint la cote d'alerte. On a connu des périodes où le fossé s'était creusé de cette manière et ce furent des périodes de très grande instabilité. Scott Rasmussen, le directeur de l'agence, observe à propos de ce sondage que le rejet de leurs gouvernants par les Américains atteint sans doute le niveau qu'il avait lors de leur guerre d'indépendance au XVIIIe siècle. La deuxième remarque est plus positive : les majorités qui sont en train d'émerger dans des pays occidentaux très différents les uns des autres, comme les Etats-Unis, la France ou la Grande-Bretagne, exigent que la finance - et peut-être même l'argent - joue dans notre monde un rôle plus limité que celui qu'on lui a vu jouer dans les années récentes. Ce sont des majorités de l'ordre de 70 %, voire même de 80 %, et qui frôlent donc maintenant l'unanimité.