Recueil de Poésies trilingues
Français, catalan, espagnol.
Illustrations: Raymond MATABOSCH
Extraits de la Préface...
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Pourquoi avoir ouvert, - au regard des personnages, des portraits et des vies croisés pour sûr- , cette préface en référence à Sœur Emmanuelle et à l'Abbé Pierre, du fait que Raymond Matabosch, l'auteur de ce recueil de poèmes, « Portraits croisés trilingues », n'est ni l'un ni l'autre. Bien pis, le connaissant pour l'avoir croisé, à moultes reprises, et côtoyé au fil de nos pérégrinations communes, bien qu'il ne soit pas athée, il ne croit pas en la religion, du moins en celle telle que les hommes, la détournant de son sens originel et l'adaptant à leurs besoins et à leurs désidératas, l'ont modulée et telle que pratiquée dans les églises, les temples, les synagogues, les mosquées....
De surcroît, Raymond Matabosch est un rustre, un homme de la terre, nourrit par elle, âcre et abrupt, coriace et calleux, endurci au mal et draconien dans ses activités mais, ce qui se voit moins sur lui, adamantin dans toute l'austérité qui transparaît autour de son personnage difficilement saisissable.
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J'avais, un soir, croisé sa route. Rencontre bizarre s'il en est. Une nuit d'été 1992, sur la côte barcelonaise del Maresme, j'étais rentrée, en compagnie d'amis, tous anciens étudiants à la Faculté des Sciences de Montpellier, dans un restaurant. Un homme mangeait seul dans un coin. Tout en dégustant son plat de poisson grillé « à la planxa », il griffonnait sur des bouts de papiers. Perdu dans ses pensées, il paraissait loin et près à la fois, hors de la foule et du monde. J'en avais fait part à mes amis. L'un, semblant le reconnaître, me brossa un tableau fantasque du personnage solitaire attablé. « Il s'appelle Raymond Matabosch », me déclara-t-il, « et c'est un farfelu. Il n'est pas reconnu par les instances universitaires mais il se dit faire de la sismologie et de volcanologie sans aucun diplôme en poche alors qu'il n'y connaît strictement rien... Ce n'est tout simplement qu'un pauvre imbécile pour ne point te dire plus... Soit disant, il aurait travaillé, comme arpète, avec Haroun Tazieff qui lui aurait appris le métier... »
Sans donner de réponse à mon interlocuteur, au seul nom d'Haroun Tazieff, je m'étais, alors, levée de table et j'avais dirigé mes pas vers cet étrange personnage qui, ayant connu le célèbre volcanologue, m'intriguait plus encore. Je ne savais pas, en l'abordant, que ma vie allait changer du jour au lendemain... Tout ce que je sais, c'est qu'il accepta, sans me poser de questions saugrenues, que je m'assisse en face de lui.
Et nous avions longuement discuté, moi, férue de mes connaissances théoriques apprises dans les amphithéâtres, usant de mots grandiloquents et de termes académiques, alambiqués et hyperboliques et, lui, parlant avec la simplicité du commun des mortels sur des sujets ardus et brûlants, si tel on peut parler de la sorte des volcans. Et il en parlait avec une facilité déconcertante..
J'avais appris que l'institut, pour lequel il travaillait, était basé à Castell de Fels même, à quelques pas du restaurant dans lequel nous nous trouvions. Il y préparait une mission...
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A la fin de la soirée, tous mes amis m'ayant abandonnée, et vu mon embarras où ne savoir les retrouver ni ne savoir où passer la nuit, il me proposa, en toute simplicité, de l'accompagner à l'institut, une chambre me serait aimablement cédée... sans compensation. Ce qui fut vrai, Raymond Matabosch, restant d'une correction irréprochable, se conduisant en authentique gentleman.
Le lendemain matin, à mon lever, je l'avais trouvé sur son ordinateur penché sur les notes qu'ils possédait sur ses volcans, les reclassant, les analysant et montant un dossier. A brûle pourpoint je lui avais fait part de l'intérêt que je portais à sa mission et de la joie que j'aurais de me joindre à lui en participant financièrement avec mes petits moyens d'autant que je ne pouvais exercer, faute d'employeur, l'activité pour laquelle j'étais diplômée.
« Si aujourd'hui, je suis ce que je suis, un illustre inconnu, - ce qui ne me dérange pas, tout au contraire, au moins je suis libre -, un besogneux qui parcours le monde et qui s'échine, au service des autres, je le dois à des hommes exceptionnels, - dans toute leur simplicité d'homme -, qui m'ont mis le pied à l'étrier après m'avoir formé.... »
Et il avait pris le téléphone....
Je me rappelle encore, comment il m'avait annoncé que je ferais partie du voyage... « Vous savez, Laure, permettez que je vous appelle Laure, je ne mêle jamais travail et sexe... Alors, si vous êtes d'accord, vous préparez vos affaires et vous embringuez ... Vous avez deux jours pour vous décider... » Clair, net, précis et sans ambage. Je savais à quoi m'en tenir. Il n'y aurait nulle concession.
Ainsi, j'avais fait la connaissance de Raymond Matabosch.
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Que dire de plus sur Raymond Matabosch? Rien d'autre?
Si je m'en tenais à ce début de portrait glacial, je mentirais.
C'est un homme qui tient ses engagements et qui se rive à ses conceptions Durant les huit mois où nous avions « travaillé » de conserve sur les volcans des petites Îles de la Sonde, je dois avouer, en femme étant, avoir eu, à nombreuses reprises, envie de faire l'amour avec cet homme pour moi fabuleux, pour les gens du métier, « un minus » qui ne connaît rien. Il s'en était toujours tenu à sa parole « Vous savez, Laure, permettez que je vous appelle Laure, je ne mêle jamais travail et sexe... », des paroles qui n'ont jamais cessé de résonner dans ma tête.
De plus, il est toujours levé aux aurores, tout en se couchant tard dans la nuit. Rentré du terrain, le repas du soir avalé, il part sur son ordinateur et il ordonne, des heures durant, les notes prises dans la journée. Un véritable bourreau de travail et, de surcroît, un bourreau des cœurs car il ne s'épanche jamais excepté dans ses écrits bizarrement rédigés.
Au début, il m'avait surpris. Où qu'il était, où qu'il se trouvait... l sortait des morceaux de papiers et il jetait des mots dessus qu'il enfouissait, ensuite, dans ses poches.
Là son portrait est achevé...
Et c'est avec fierté que j'ai préfacé son ouvrage, « Portraits croisés » dont, quelque part, j'ai assisté, involontairement, à sa naissance...
Et dire, - à l'époque où j'ai fait sa connaissance, j'en avais vingt sept, aujourd'hui j'en compte la quarantaine et un peu plus -, que je suis allé suivre des cours dans une faculté pour ne pratiquement rien y apprendre, si ce ne sont des grands mots. Aussi j'avoue que tu as raison quand tu dis que « La nature est un livre ouvert qu'il faut savoir lire... »
Tout simplement: « Merci Raymond, toi l'humaniste qui se refuse à une telle dénomination, - idiots sont tous ceux qui ne veulent pas t'entendre -, pour tout ce que tu m'as appris. »
Laure Nomdedeu