« The Big One » tel est le nom donné à un séisme dévastateur qui doit, théoriquement, se produire, dans un temps futur, plus ou moins immédiat, plus ou moins lointain, sur la côte ouest des États-Unis, en un point situé sur la faille de San Andréas. Quasi rectiligne sur près de 1.000 kilomètres, du Cap de Point Aréna au Nord de la Baie de San Francisco, au nord-ouest, au désert Mojave, rejoignant le Sud du Golfe de Californie, à Salton Sea, au sud-est, passant notamment par Los Angeles, cette faille géologique, en décrochement, à la jonction des plaques tectoniques Nord-Pacifique et Nord-Américaine, est une menace permanente pour la Californie. En outre, au nord de San Francisco et au sud du golfe de Californie, la faille transformante se rattache à la dorsale océanique où se crée un nouvel océan par écartement des plaques.
Depuis l'ouverture de l'Océan atlantique, au Crétacé inférieur, 150 à 100 Millions d'années, la poussée de la plaque Nord-Américaine, vers l'Ouest-Nord-Ouest, frotte, de manière latérale, contre la plaque Nord-Pacifique descendant vers le Sud-Sud-Est. Le contact, entre les deux plaques ne s'effectue ni par convergence, - collision -, ni par divergence, - écartement -, mais par coulissage, - déplacement horizontal -. De plus, la pression exercée par la plaque continentale Nord-Américaine est telle qu'elle provoque et entraîne la subduction de la plaque océanique Nord-Pacifique, basaltique, plus lourde. La complexité du coulissage à connotation subduction en découlant, au niveau de la Californie, la plaque continentale a, depuis 30 millions d'années, peu à peu recouvert et transformé la dorsale médio-océanique, et mis en place l'une des failles transformantes les plus actives du globe : la faille de San Andreas qui sépare le sud-ouest de la Californie du reste du continent américain.
L'océan Pacifique et la partie de la Californie située à l'ouest du plan de fracture se meuvent, par déplacement horizontal dextre, vers le Nord-Ouest par rapport au continent. La migration de la plaque océanique est de 4 à 6 centimètres par an, déterminant, selon que l'on se situe au nord ou au sud de la faille, par un mouvement latéral global, depuis 25 à 30 Millions d'années, un périple de la plaque Nord-Pacifique approchant 500 à 700 kilomètres. Ainsi, le mouvement migratoire se continuant au cours des 25 à 30 Millions d'années futures, toute la zone située à l'ouest de la faille de San Andréas, si la subduction ne l'a pas totalement engloutie sous la plaque lithosphérique Nord-Américaine, inéluctablement, dans un avenir très lointain de l'ordre d'une ou deux dizaines de Millions d'années, deviendra une île.
Ces frottements continuels sont source d'instabilité sismique permanente sur toute la longueur de la faille qui, concomitamment, rend celle-ci responsable de plusieurs milliers de séismes par an. Certes, tous ne sont pas ressentis par les populations mais un certain nombre d'entre eux ont des effets catastrophiques. Depuis 1769, les séismes s'y succèdent sans interruption. Pour les plus représentatifs il est à noter : Comté d'Orange, 28 Juillet 769, magnitude 6 sur l'échelle ouverte de Richter ; San Diego, 22 Novembre 1800, magnitude 6.5 ; San Francisco, 21 Juin 1808, magnitude 6 ; San Juan Capistrano, 8 Décembre 1812, magnitude 7, 40 morts dénombrés ; Santa Barbara, 21 Décembre 1812, magnitude 7 ; Hayward, 10 Juin 1836, magnitude 6.8 ; San Francisco, 22 Juin 1838, magnitude 7 ; Fort Tejon, 9 Janvier 1857, magnitude 8.3, 2 morts dénombrés ; Monts Santa Cruz, 8 Otobre 1865, magnitude 6.5 ; Hayward, 21 Octobre 1868, magnitude 7, 30 morts dénombrés ; San Francisco, 18 Avril 1906, magnitude 7.8, 3000 morts dénombrés, à l'origine d'un gigantesque incendie qui détruisit une bonne partie de la ville et générant des déplacements, le long de la faille, qui atteignirent plus de 6 mètres ; Santa Barbara, 29 juin 1925, magnitude 6.3, 14 morts recensés ; Santa Barbara 4 Novembre 1927, magnitude 7.3 ; Long Beach, 11 Mars 1933, magnitude 6.3, 115 morts dénombrés ; Comté de Kern, 21 juillet 1952, magnitude 7.7 14 morts, 18 blessés ; San Francisco, 22 Mars 1957, magnitude 5.3, 40 blessés ; San Fernando, faubourg de Los Angeles, 9 février 1971, magnitude 6 ; contre toutes prévisions San Francisco 21 Juillet 1986, magnitude 7 ; Loma Prieta, 17 Octobre 1989, magnitude 7.1, 63 morts, 3757 blessés ; San Francisco, 20 octobre 1989, magnitude 6, allumant des incendies et, effets connexes, écroulement d'un pont causant la mort de 50 personnes ; Northridge, faubourg de Los Angeles, 17 janvier 1994, magnitude 6.2, ruinant une partie des ouvrages d'art, 42 morts et 2 600 blessés, suivi de plus de 200 répliques ; Parkfield(1), 28 Septembre 2004, magnitude 6 ; Los Angeles, 29 juillet, 2008, magnitude 5.5, de faible intensité, ne générant que des fissures et n'engendrant que peu de dommages.
Tout au long de ses mille kilomètres, le parcours de la faille de San Andréas est jalonné de ruptures de pentes, d'escarpements rectilignes, de roches broyées, de dépressions tectoniques, - ou bassins d'effondrement -, comblés par des lacs et des étangs, et de décalages dans le tracé des cours d'eau. Conséquemment à ces aléas physiques, l'agencement et le profil des routes, des ponts, des clôtures et des bâtiments, construits à proximité immédiate de la faille, sont perturbés. Mais, plus que d'une faille, ne serait-il pas plus juste de convenir de la réalité d'un système de failles car il s'y distingue deux domaines singuliers : Le premier, la partie septentrionale, du cap Mendocino, au Nord de la baie de San Francisco, aux Montagnes de Santa Cruz, le plus ancien, se déplaçant lentement ; le second, la partie méridionale, de Parkfield à la vallée Impériale, rejoint le golfe de Californie tout au sud; et, entre les deux, à la hauteur des monts de San Bernardino, marquant la transition, glissant régulièrement, un secteur paraissant « verrouillé », bougeant relativement peu souvent mais violemment, à cause d'une déviation de la faille et d'un changement dans la nature-ci génére roches qui forment le soubassement.
Ce système faillé complexe, outre la faille de San Andreas, se compose de plusieurs longues failles parallèles. Il s'étend sur 1.300 kilomètres de long, environ, et sur une largeur approximative de 140 kilomètres, et se divise en de multiples segments inter-relationnels entre les uns les autres, accumulant, chacun, une partie des contraintes tectoniques mises en jeu. De part et d'autre de la faille principale, la vitesse de coulissement est d'environ 3,4 centimètres par an dans la partie septentrionale et de 5,5 centimètres par an dans le secteur méridional. Celle-ci génère des milliers de séismes, majoritairement des micro-séismes, mais plus ou moins 200 d'entre eux, ressentis par l'homme, recensent une magnitude supérieure à 3 ou 3.5 sur l'échelle de Richter et une intensité égale ou supérieure à III sur l'échelle de Medvedev-Sponheuer-Karnik(2), - échelle MSK -.
La faille de San Andreas se scinde en trois parties relativement indépendantes les unes des autres. Elles sont, elles-mêmes, divisées en plusieurs segments :
1° - D'après François Michel(3), la section nord s'étend du cap Mendocino, pointe la plus occidentale de la Californie, aux Montagnes de Santa Cruz, chaîne côtière à 80 km au sud de San Francisco. Fortement sismique au XIX° siècle, c'est dans cette zone, à proximité de San Francisco, que s'est produit le séisme le plus meurtrier de l'histoire de la Californie le 18 avril 1906. D'une magnitude estimée à 7,8. Outre la faille de San Andreas, ce secteur se compose de plusieurs longues failles parallèles pouvant provoquer de violents séismes, notamment la faille de Hayward à l'est de la baie de San Francisco. Depuis le séisme de 1906, et après un demi-siècle de calme, l'activité a légèrement repris à partir de 1957. Puis les deux premiers grands chocs se sont produits aux extrémités du secteur, dans les segments qui s'étaient le moins déplacés en 1906 : au cap Mendocino en 1980 et dans les monts Santa Cruz en 1989. En prenant en compte la récurrence sismique et l'ensemble des failles actives du secteur, c'est désormais la région de la Baie de San Francisco qui a la plus forte probabilité d'occurrence, près de 75%, d'un séisme de magnitude supérieure à 6.5, dans les 30 prochaines années. Pour L'Institut de géophysique américain(4), - USGS -, il y a « plus de 99% de risques » d'être touché dans les 30 prochaines années par un séisme de magnitude supérieure à 6,7, susceptible de provoquer des dégâts majeurs.
2° - D'après François Michel(3), la section centrale correspond à un segment de la faille qui glisse en creep, c'est-à-dire régulièrement et sans produire de séismes importants. Il marque la transition avec le secteur sud.
3° Et toujours d'après François Michel(3), la partie sud s'étend du segment de Parkfield à la vallée Impériale. Ce secteur est beaucoup plus complexe en raison de la formation d'une zone de compression crustale à l'origine des chaînes transversales au nord de Los Angeles. Comme pour la partie nord, il a connu un séisme majeur en 1857, mais, à cause des mouvements verticaux qui s'ajoutent au coulissement, la fragilité des failles est plus grande et les tremblements de terre, par conséquent, plus fréquents. Plus au sud, le système est à nouveau formé de longues failles parallèles dont celle de la Vallée Impériale qui marque la transition avec le golfe de Californie. Pour l'Institut de géophysique américain(4), - USGS -, la probabilité de voir un tremblement de terre de magnitude supérieure à 7,5 dans les 30 prochaines années a été établie à 46%, et « un tel séisme est davantage susceptible de se produire dans la partie sud de l'Etat de Californie », où se trouvent Los Angeles et son agglomération, plus de 16 millions d'habitants. « La probabilité de voir un tremblement de terre de magnitude 6.7 ou plus frapper la région de Los Angeles dans les 30 ans est de 67%, et dans la région de la Baie de San Francisco de 63% », précise l'USGS qui conclue : « De tels tremblements de terre peuvent être meurtriers, comme l'a prouvé le séisme de 1989 de Loma Prieta, près de San Francisco, de magnitude 6.9 ou celui de 1994 à Northridge, proche de Los Angeles, de magnitude 6,7. »
En parallèle à toutes ces prévisions, des chercheurs de l'université de l'Oregon indiquent dans le journal « Geology » que trois plaques tectoniques, - Explorer, San Juan de Fuca et Gorda - situées près de la côte nord-ouest américaine sont actuellement en train de se réordonner, et que leur triple jonction se déplace en direction du sud-est. Aussi selon le directeur d'étude, le séisme tant redouté « Big One », pourrait être bien moins cataclysmique que prévu. Cette réorganisation de plaques aurait pour effets que la subduction de la plaque Juan de Fuca, sous la plaque Nord-Américaine pourrait ralentir. Enfin, une autre conséquence de cette évolution est que le Big One, ce tremblement de terre si redouté, pourrait être moins puissant que prévu, et ne pas dépasser une magnitude de 9 qui serait déjà catastrophique.
Au différent, l'Université publique de Californie, à Davis, a publié de nouveaux calculs de probabilités sur le grand tremblement de terre à venir à San Francisco. - depuis le dernier tremblement de terre catastrophique en 1906 qui avait détruit une bonne partie de la ville, les californiens attendant le « Big One » -, le modèle numérique utilisé étantt sensé reproduire les mouvements des plaques en Californie prévoit un tremblement de terre d'une amplitude d'au moins 7 sur l'échelle de Richter tous les 101 ans. Le modèle a simulé 395 tremblements de terres en 40.000 ans. Ainsi, les chercheurs donnent un probabilité de 25% pour que le « Big One » arrive dans les 20 ans, 50% pour dans les 45 ans, et 75% pour les 80 prochaines années.
Mais, tout cela énoncé, un « Big One », un séisme monstrueux et infernal devant tout annihiler, peut-il réellement réduire à néant la Californie ? Cela est peu probable, du moins à mes conceptions quant aux réalités d'une telle éventualité. En effet, compte-tenu des changements d'orientations, ordonnancés autour du secteur central situé à la hauteur des monts de San Bernardino, du système complexe des multiples fractures constituant la faille de San Andréas, en particulier autour de l'agglomération de Los Angeles, pour le secteur Sud, sur toute la longueur du secteur Nord, il est très peu probable qu'un séisme rompant la faille sur la totalité de sa longueur puisse se produire un jour. Certes, un tremblement de terre catastrophique, de magnitude égale ou supérieure à 8, peut affecter cette région, ce n'est pas improbable, mais historiquement il ne s'en est jamais produit en ces lieux excepté celui du 18 Avril 1906 qui en fut approchant, avec une magnitude de 7.8. Il détruisit, certes, San Francisco, non par les effets de la secousse mais par l'incendie qui en résulta et qui se propagea, étant quand même à savoir que les maisons étaient construites en bois.
Quant aux tremblements de terre d'une magnitude égale ou supérieure à 9, - fort rares -, n'étant pas des « Big One » au sens générique du terme, enregistrés depuis l'an 1900, ils sont au nombre de cinq : Kamtchatka, Russie, 4 Novembre 1952, magnitude 9.0 ; Andreanof, Alaska, 9 Mars 1957, magnitude 9.1 ; Valdivia, Chili, 22 Mai 1960, magnitude 9.5 ; Alaska , États Unis, 27 Mars 1964, magnitude 9.2 ; et Andaman-Sumatra, Indonésie, 26 Décembre 2004, magnitude 9.3.
Notes
(1) Aux dires des géologues américains de l'institut américain d'études géologiques, - USGS-, « la rupture de ce segment était prévue et attendue depuis plus de deux ou trois décennie. » En vérité, il leur aurait été difficile de faire, pour ce segment de faille, une prédiction autre, ce segment étant seul a n'avoir connu, jusqu'au 28 Septembre 2004, de séisme répertorié historiquement. Mais à quoi peut servir une prédiction faisant fi d'une fourchette précise dans le temps et sur l'épicentre de l'aléa. Et, dans un tel cas, la prédiction est purement gratuite. Par chance, le séisme s'est produit dans un secteur de faible densité des installations humaines.
(2) Échelle de Medvedev-Sponheuer-Karnik, aussi appelée échelle MSK : Elle est très utilisée en Europe et en Inde, à partir de 1964, sous la désignation MSK64. Sa définition a été revue, en 1981, sous le sigle MSK81. Elle a fini par être intégrée en 1998 dans la définition de l'échelle macrosismique européenne. L'échelle MSK décrit les effets d'un tremblement de terre en termes de destructions des installations humaines et de modifications de l'aspect du terrain, mais également en termes d'effets psychologiques sur la population, - sentiment de peur, de panique, panique généralisée -. Cette évaluation qualitative très utile ne représente en aucun cas une mesure d’un quelconque paramètre physique des vibrations du sol.
(3) François Michel, Roches et paysages, reflets de l’histoire de la Terre, Paris, Berlin, Orléans, BRGM Éditions, 2005
(4) R.E. Wallace, The San Andreas Fault System, California. USGS Professional Paper 1515, Washington, 1990.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 28 octobre à 11:32
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