Je vous parlais il y a quelques temps du Yankee Foxtrot Hotel de Wilco ; GNFPWBN (ouf !) est de la même sorte. Il contient la même folie dans la composition pop, qui déborde largement du cadre et qui à force de retouches devient un disque plein, une œuvre totale par un trio américain qui atteint là son titre de noblesse. Controversé par les fans et Pitchfork qui voient en lui le pire album de la bande (7.9 tout de même), c’est pourtant celui que je préfère (même au mythique The Moon & Antarctica). Et puis tout est dans le titre, de celui de l’album jusqu’à ceux des morceaux, tous parfaits. A la pelle : "Ocean breathes salty", "Satin in a coffin", "Blame it on the tetons"…
Avant d’être rejoints par Johnny Marr (The Smiths), les Modest Mouse (en référence à un passage issu d’un bouquin de Virginia Woolf traitant de la classe travailleuse) ne sont que trois : Isaac Brock, le grand chef anticonformiste à la voix protéiforme accompagné par Eric Judy et Jeremiah Green (ici remplacé par Benjamin Weikel). Le groupe de Washington écrit donc ce cinquième disque entre doux psychédélisme et énergie communicative (Flaming Lips ?) et flirte comme à son habitude avec le rock électrique presque classique, et le côté orchestral bancal rencontré sur les œuvres précédentes. Et c’est finalement ça qui fait le style Modest Mouse.
On y trouve seize titres pour 48 minutes d’écoute, des morceaux tous très différents et surtout les textes acides d’Isaak, qui change de peau quand il le souhaite et qui insuffle ce vent de folie qui parcourt l’album. Sur "Ocean breathes salty" par exemple son chant est incisif alors que sur "Blame it on the tetons" l’agressivité laisse sa place à la douceur, aux arpèges et au piano. Et quand on parle d’orchestre pour évoquer Modest Mouse, on pense à des morceaux comme "Bukowski" où un étrange et inhabituel accordéon s’invite à la partie, éloignant le son de ses terres traditionnelles. Et puis comment ne pas évoquer les deux petits bijoux pop de l’album : "The world at large" parfaite avec ses habillages de cordes et ses chœurs, et surtout son enchaînement parfait avec le sommet qu’est "Float on", véritable single où l’on retrouve tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un single digne de ce nom : un riff de gratte simplissime et une voix habitée qui en font du coup un hymne emblématique. Alors certes sur seize morceaux tout n’est peut-être pas à prendre au pied de la lettre mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce disque, sa variété et sa grande particularité.
En bref : l’un des sommets de créativité d’un groupe difficile à cerner, un joli voyage pop dans la tête d’un autre démiurge américain.
Le Myspace, le site officiel et l’album en streaming
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"The world at large" et "Float on" en live, soit l’un des plus beaux enchaînements de titres qui soit :