De là il fut conclu à la dualité intrinsèque onde/corpuscule, à l’émergence d’un objet Janus qui destitua le vieux principe d’identité, comme une sorte de révolte contre les lois du réel et marque de la liberté de l’esprit confronté à la résistance opiniâtre de la matière. Une fois ce principe abandonné, il devint aisé de transborder tout le réel du côté de la mathématique et de traiter les phénomènes particulaires au moyen de la fonction d’onde…et ça marche, comme on dit avec facilité.
La mécanique quantique a donc fait le choix de l’efficacité au détriment de la compréhension et, grisée par ses succès et l’urgence de ses découvertes, nous en sommes restés là. Mais, chassez le réel, il revient au galop. Il est vrai que pour cette physique, le réel est un concept peu opératoire dont la définition et les contours sont laissés aux philosophes qui, eux, ont le temps.Nous ne contestons pas à la physique quantique l’usage de procédures opérationnelles compte tenu l’extrême difficulté des expériences et nous nous émerveillons même du courage, de la patience et du sérieux de ceux qui participèrent à la grande aventure physique du XXeme siècle.
Mais la physique d’aujourd’hui ne peut plus vivre sur son passé, beaucoup s’accordent à dire qu’elle est en crise, qu’elle doit revisiter ses concepts fondamentaux car ayant atteint sa zone des rendements décroissants. La frénésie doit faire place à la réflexion posée, la fuite en avant, le retour aux sources. Quel est alors le fond du problème ?
C’est qu’on ne peut porter atteinte au principe d’identité qui est une loi absolument contraignante du réel. Une particule ne peut être A LA FOIS, onde et particule, ni - par glissement successifs - assimilée à une onde puis à une fonction d’onde, puis disparaître comme objet physique.
L’onde et le corpuscule sont deux objets différents possédant des propriétés assez différentes. Une particule est toujours accompagnée d’une onde car elle baigne dans un milieu dont la physique se refuse à reconnaître la réalité. L’onde n’a aucun statut physique, on ne sait pas quelle est la nature de la substance qui la compose. On l’assimile à de la pure énergie sans même qu’on puisse savoir ce qu’est véritablement « l 'énergie ». Ne sachant pas de « quoi » est faite une onde, il n’est guère difficile de manipuler cette chose évanescente, de la faire entrer dans une particule puis de parfaire sa disparition dans la fonction d’onde mathématique.
On pourrait rappeler le vieux Husserl quelque peu passé de mode pour demander qu’on fasse retour aux « choses mêmes » et poser quelques questions fondamentales : le réel a-t-il une réalité ? Un objet physique composé de matière cela a-t-il encore un sens ? Et plus fondamentalement encore : qu’est-ce qu’une onde ?