D’emblée, mes excuses. Je n’ai pas mis à jour cet espace depuis plusieurs semaines pour la raison que vous trouverez ici.
Lors de son dernier exercice de communication, le Premier ministre mauricien a fait une déclaration qui a eu l’effet d’une bombe : il est en faveur de la réintroduction de la peine de mort à Maurice, « pour certains crimes ». Dès lors, les appels se sont multipliés lors des émissions de radio qui commentaient en direct cette apparition publique hautement attendue par la population. Le lendemain, les critiques ont continué à pleuvoir (là et là). Malgré le fait que cette déclaration ait été accueillie par des cris de joie de l’assistance présente, le Premier ministre a choqué. Personnellement, je ne suis pas convaincu.
Je ne pense pas que Navin Ramgoolam, Premier ministre de l’île Maurice en 2010, a réellement l’intention de réintroduire la peine de mort, 15 ans après son abolition. Je n’ai aucune prétention en matière de psychisme vis-à-vis du chef de l’exécutif mauricien, mais cette manœuvre, si elle était authentique, relève d’un véritable non-sens. Ce qui me pousse à penser que le Premier ministre bluffe. D’autant plus que, au même moment se tient à Genève le 4ème congrès mondiale contre la peine de mort.
Une telle déclaration ne manquera pas d’attirer les regards – habitués à des atrocités ailleurs – sur une petite île à forte connotation paradisiaque. Et qui dépend énormément sur des touristes français, traditionnellement farouchement opposés à la peine de mort. Ceci, à quelques mois de la Coupe du Monde qui se tiendra à une poignée de centaines de kilomètres de Maurice. Pire encore, les nombreuses aides de bailleurs de fonds internationaux sont régies par des listes de conditions fermement ficelées autour de la question des droits de l’homme. La réintroduction de la peine de mort disqualifiera Maurice, jusqu’ici considérée comme « le meilleur élève d’Afrique ».
Pour ces raisons, je ne pense pas que le Premier ministre ait mesuré le poids de ses mots. Ou peut-être, si, justement. Car, à mon avis, il avait autre chose en tête : il voulait simplement faire d’une pierre deux coups. D’abord, rassurer une population en proie à une situation d’insécurité grandissante. A l’amorce des prochaines élections législatives, un récent sondage sur le terrain a révélé au Premier ministre que cette question est actuellement le centre des préoccupations de la population. Il a leur a fait savoir que leur préoccupations sont les siennes.
Dans un deuxième temps, le Premier ministre mauricien a joué une carte politique. Dissipant les rumeurs d’alliance avec le principal parti d’opposition du pays, il s’est rapproché du discours de la troisième force politique du pays. Recevant par la même occasion la bénédiction du Président de la République, ancien dirigeant de cette troisième force. Une histoire de vendetta politicienne à quelques mois des élections législatives, histoire d’alimenter l’imaginaire de la population et de fouetter son appétit pour tout ce qui est rumeurs politiques.
Dès lors, la question se pose: comment va-t-il s’en sortir? Le Premier ministre n’en a pas besoin. Même s’il a précisé sa déclaration deux jours après, en ciblant les trafiquants de Subutex comme ceux passibles de la peine de mort, il ne s’agit qu’un discours d’intention qui ne se concrétisera pas. Car dans son même discours, le Premier ministre avait mentionné une phrase que la presse, toute fière d’avoir eu une déclaration pour alimenter les colonnes pendant plusieurs semaines, n’a pas retenue: « on juge les gens par ce qu’il font, pas par ce qu’ils disent ». Et il n’en fera rien. Car il a trop à perdre.