Il se dit qu'avant, avant les rénovations, avant les ravalements de façade, il était courant, facile voire d'usage pour certains de grimper sur les toits des immeubles… Alors, quand un des habitants du 131 m'a proposé de l'accompagner là-haut, je n'ai pas hésité… Le seuil du dernier étage ressemble presque aux autres, il compte juste une porte de plus. Deux sont condamnées et la troisième, quelqu'un l'a aidée à rester ouverte : c'est la porte du grenier. Mais imaginez un grenier gigantesque construit bien au-delà de mon bâtiment, tout en longueur, réunissant peut-être tous les immeubles du pâté de maison. Quelques lucarnes éclairent à certains endroits le sol et les poutres, je devine la hauteur au-dessus de nous, tandis que mon guide me prend la main et m'aide à déjouer les obstacles. Il connaît ce lieu par coeur et où poser chaque pas jusqu'à l'échelle, métallique, toute fine, toute raide, toute haute… Il sait comment soulever le couvercle et hop, nous y sommes et Berlin m'offre dans une lumière du soir, un panorama à 360°.
La tour de télévision est mon repère
C'est un vrai toit, pas une terrasse. Pas de balustrade, garde-fou ou parapet… Le sol est en revêtement goudronné pour l'étanchéité, les chaussures accrochent bien et j'évite de m'approcher du bord. Je vois les voitures, les trams jaunes qui filent en bas, je découvre à quel point ma rue (que je nommerai moi avenue ou boulevard) est large et longue, elle ceinture dans une belle courbe le quartier de Prenzlauerberg. Je tourne sur moi-même, je fais le tour de mon toit pour découvrir la fenêtre de ma chambre. J'admire les cheminées de brique rougeoyantes, elles fument doucement, sauf celles qui correspondaient aux poêles à charbon qui servaient au chauffage. Mais je sais que dans certains immeubles, elles fonctionnent encore. Au coin d'une rue parfois, je détecte cette odeur de charbon, cette odeur que je sentais partout en 1990 dans les villes de RDA, cette odeur de l'hiver qui me réchauffe quand je l'hume.
Le bleu, le rouge de Berlin