Du 10 mars au 16 juin derniers, c’est grâce à une sonde placée dans son nez, et qui lui descendait tout droit dans l’estomac, que Dawa n’est pas mort de faim. “La nuit, parfois, j’avais peur de m’étouffer” me raconte-t-il pudiquement.
En 2007, le jeune homme a jeûné pendant 63 jours. Et aujourd’hui le combat continue : lui et son association ACT (Affected Citizens of Tista) se battent à coups de sittings et de manifestations contre un vaste projet hydroélectrique sur le territoire du Dzongu, dans le Sikkim, un petit Etat indien himalayen.
Enclavé entre le Tibet, le Népal, et le Bhoutan, le Sikkim était un petit royaume bouddhiste indépendant, jusqu’à l’annexion par l’Inde en 1975. Sa biodiversité est d’une immense richesse, ses ressources naturelles abondantes…
Or l’Inde souffre de pénuries d’énergie qui s’aggravent avec le rapide développement de son économie. Au delà du nucléaire, New Delhi a décidé de faire du Nord-est la grande région productrice d’hydroélectricité : 168 barrages sont prévus au total, dont 26 dans le Sikkim.
Les Lepchas, qui sont les premiers habitants du Sikkim, sont aujourd’hui une minorité en voie d’extinction : 40 000 personnes soit 7% de la population totale de l’Etat. Et 8 000 d’entre eux vivent sur leur territoire ancestral du Dzongu, au pied du Kangchenjunga, troisième sommet le plus haut du monde.
“Pas moins de 8 barrages sont prévus sur la rivière Tista qui traverse notre territoire sacré, pourtant classé “réserve naturelle protégée”, explique Dawa, nous ne pouvons pas laisser détruire notre terre ! Ils devront nous passer sur le corps pour construire leurs barrages et leurs tunnels”
Les rapports scientifiques ont beau prouver que la zone est loin d’être optimale : les flux d’eau sont particulièrement violents, le bassin de la rivière est une zone sujette aux tremblements de terre. Rien n’y fait, les autorités locales soutiennent que les barrages sont sans risque et qu’il s’agit d’un progrès pour les générations futures.
Les partisans des projets (les sommes mises en jeu sont pharaoniques….) font également pas mal de tapage et la population indienne est divisée sur le sujet.
Sur le terrain, dans les zones concernées, les habitants, eux, se plaignent des nuisances : maison affaissée, manque d’eau, terrain ravagé… certains ont déjà dû quitter leurs foyers et sont allés rejoindre les rangs de l’association ACT, dont les membres se relaient sur le trottoir devant leur quartier général de Gangtok, la capitale de l’Etat, pour jeûner pendant 24 heures.
Et ce, depuis plus de 500 jours !