par Chambolle
Nicolas Sarkozy devait présenter aux Français un traité européen, plus simple, plus clair et tenant compte du rejet de la Constitution par les électeurs. Aucune de ces conditions n’est remplie. Le nouveau texte est un indigeste pavé de trois cents pages et, comme Giscard d’Estaing, qui s’y connaît, l’a reconnu, il reprend quasiment à l’identique le contenu du projet de 2005. Rien d’étonnant à cela : Nicolas Sarkozy a été formé à l’école de Charles Pasqua et, il applique à la lettre le précepte selon lequel « Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les croient. »
Je n’attendais pas mieux de notre nouveau Président. Il ne m’a donc ni étonné ni déçu. Pas plus, d’ailleurs que ne m’ont surpris les tristes palinodies auxquelles la majorité des dirigeants Verts et PS, européistes obsessionnels, se livrent pour justifier leur ralliement à la manœuvre sarkozienne. Incapables d’incarner une opposition efficace au nouveau pouvoir, ils entendent démontrer qu’il est au moins un domaine où ils peuvent le surpasser: celui de la trahison de leurs plus fermes engagements électoraux.
Car Sarkozy sauve les apparences. Pendant sa campagne, il avait indiqué qu’il proposerait une ratification du nouveau traité par le Parlement. En apparence il tient parole même si l’accord qu’il a ramené de Lisbonne n’est rien d’autre, contrairement à ce qu’il avait promis, qu’une resucée du projet giscardien. Les hiérarques socialistes, à la notable exception d’Henri Emmanuelli et de Laurent Fabius, n’ont pas ces pudeurs. Ils s’étaient engagés à soumettre au vote des citoyens tout nouveau texte portant sur l’organisation de l’Union Européenne. Mais, tout laisse penser que la majorité du PS ne fera rien, alors qu’elle en a les moyens institutionnels, pour obliger le Président à organiser un référendum. C’est que ce traité peut avoir tous les défauts du monde, il est EU-RO-PE-EN et cela excuse tout y compris l’alignement sur l’UMP et la mise au rencart du référendum. Cerise (amère) sur le gâteau, on notera que ce choix a été fait sans que François, Ségolène, Jean-Marc, Gaëtan et les autres aient cru devoir recourir, y compris au sein de leur parti, à la démocratie participative.
Que conclure de ce regrettable épisode ? Tout simplement que ces « responsables » sont si peu certains de la justesse de sa cause et ont de tels doutes sur sa capacité à convaincre qu’ils sont persuadés qu’un nouveau référendum est perdu d’avance. C’est pourquoi ils se sont donc mis d’accord pour appliquer le principe politique énoncé au début des années 50 par Bertold Brecht : « Le peuple ne satisfaisant pas les élites, il convient que les élites le dissolvent et en élisent un autre. »
Mais, on ne dissout pas un peuple aussi facilement qu’on renie sa parole. La magouille en cours risque de causer d’importants dégâts collatéraux. Les Français en général, et la majorité du « peuple de gauche » en particulier, seront encore plus hostiles à une Europe dont les règles leurs sont imposées sans qu’ils puissent donner leur avis. Le sentiment de méfiance à l’égard des élus, soupçonnés de confisquer un débat national sera aggravé. Tout cela ouvre un boulevard aux extrémistes. Mais pour ceux que De Gaulle comparait jadis, avec quelque raison tant ils sont obstinés, aux petits de la chèvre, ceci n’est que broutille. Les cabris sont heureux : ils peuvent continuer à sautiller en bêlant « L’Europe, l’Europe, l’Europe » comme, en d’autres temps, on disait « Après nous le déluge ! »
La citation :
“Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien.” Entretien avec Michel Droit du 14 décembre 1965, in Discours et Messages, t. 4, p. 426. [Général de Gaulle]
NDLR : L’illustration de Henri Emmanuelli est tirée d’un blog qui vient d’être distingué “blog du mois” par le Monde.fr : “Croquignolet” . Caricature Hollande : jmborot.com., de Gaulle.
La “Note oubliée “
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