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La fille qui emmènerait bien son enfant voir « Massacre à la tronçonneuse »

Par La Chose

Parce qu’une blogueuse populaire et branchée se fait toujours un devoir de te montrer à quel point elle est une jeune maman active et dynamique, toute en humoristique complicité et en émouvante tendresse avec sa progéniture (qui lui permet au passage de rédiger quelques juteux billets sponsorisés par Kiabi ou Mattel)

La fille qui emmènerait bien son enfant voir « Massacre à la tronçonneuse »

Phlegmon (c’est ma fille) a adoré La princesse et la grenouille.

Au début, ça m’a vachement étonnée qu’elle ait envie de se fader un Disney, vu que ma fille, ben elle est un peu comme moi au même âge, question dessins animés: elle accroche pas avec les blondasses évaporées nonchalamment étendues sur des lits à baldaquins et qui attendent qu’un mongolien coiffé comme un personnage secondaire des Feux de l’amour vienne les délivrer du méchant dragon, de la vilaine sorcière ou du délégué syndical enragé qui les a prises en otage.
Phlegmon, ce qui la branche depuis qu’elle a l’âge de dire « anosognosie » (donc depuis qu’elle a environ huit mois), c’est les trucs un peu bizarres, limite angoissants.
Phlegmon, elle kiffe plutôt Tim Burton. Elle est fan absolue de L’étrange Noël de Monsieur jack. Elle se passe Les noces funèbres en boucle. Elle a pas encore maté Sweeney Todd, le barbier qui égorge ses clients à grands coups de rasoir, mais elle trouve Sleepy Hollow carrément trop bien (elle est un peu tombée amoureuse de Christopher Walken qui interprète le sympathique cavalier sans tête avec une bouche remplie de chicots tout pourris).

Donc, quand Phlegmon m’a demandé si je pouvais l’emmener voir La princesse et la grenouille au multiplex du coin, j’ai un peu tiqué, parce que je me demandais si elle couvait pas quelque chose. Les enfants, à cinq ans, ça peut couver tout plein de maladies, n’importe quelle blogueuse fille te le dira dans sa rubrique « trop cool d’être une maman », entre un patron de scrapbooking en forme de séraphin et un remède de grand-mère contre les règles douloureuses (jamais une blogueuse qui souhaite augmenter son audience n’ira conseiller à ses lectrices de prendre un comprimé de Paracétamol).

Mais quand je suis ressortie de la salle, je te rassure: je me sentais mieux et j’avais plus d’inquiétude.

Parce que Phlegmon, elle a pas craqué sur le bête sosie de Barak Obama qui sert de prince charmant. Elle a même pas remarqué, d’ailleurs, que les héros étaient tous des Noirs pour la première fois dans l’histoire de la secte Disney. Non, Phlegmon n’a pas percuté sur le message politique trop émouvant tellement il est courageux (« les Noirs sont, en fait, des gens comme les autres, à part qu’ils sont Noirs »).
Phlegmon, ce qu’elle avait repéré dans la bande-annonce à la téloche, c’est le coup du Vaudou.
Ben oui, parce que l’histoire se passe à la Nouvelle Orléans, alors forcément, on n’allait pas nous parler des inondations de 2005 à cause de Katrina, ni du taux de chômage, non plus, on est pas là pour réfléchir, c’est un Disney, n’oublie pas. Non, la Nouvelle Orléans dans les années 30, c’est le jazz, les Noirs qui swinguent et sourient tout le temps même s’ils sont dans la misère (le Noir est un peu benêt, mais bon musicien, excellent danseur, et tellement sympathique), le gumbo bien épicé, les Cajuns forcément complètement arriérés, le bayou rempli d’alligators et le Vaudou. Que des clichés à la con, mais plus c’est con plus c’est bon, c’est pour ça qu’on a tous raqué pour aller voir Avatar et qu’on a même pas honte de le dire.

Donc, dès que le méchant sorcier vaudou a commencé à emmerder l’héroïne, Phlegmon (qui avait l’air de s’ennuyer ferme depuis le début) s’est transformé du tout au tout.
D’abord,  le vilain sorcier signe tout un tas de contrats avec son sang et engage son âme en prenant de crédits revolving auprès du Diable, un peu comme un client de la BNP ou de la Société Générale , et l’arnaque à la Faust, ma fille, ça lui a plu au-delà de tout, à croire qu’elle est en train d’envisager une carrière dans la banque.
Après, le coup des esprits de l’Au-Delà qui ont des griffes et des dents de partout et qui beuglent comme des fantômes atteints du syndrome de Gilles de la Tourette , ça l’a littéralement mise en transe. Limite elle salivait de bonheur pendant que les autres gamins commençaient à faire pipi dans leur culotte.
Et puis le summum, on l’a atteint quand le sorcier sort une de ses fameuses poupées de chiffon dans lesquelles on plante des épingles longues comme le bras. Alors là, Phlegmon s’est mise à hululer de joie alors que tous les chiards dans la salle se mettaient à pleurnicher et à se lover dans les bras de leurs mamans. D’ailleurs, les mamans, elles ont commencé à me regarder de travers, comme si c’était ma faute (j’ai l’habitude, ça m’arrive souvent, mais des fois c’est gavant quand même). Phlegmon, elle était debout sur son siège et elle sautait sur place en faisant des bruits, et d’un seul coup y’a eu un grand silence dans la salle (enfin, on entendait encore le film et le sorcier qui hurlait « à moooooort! » d’une voix très caverneuse) et toutes les mamans ont dardé leurs regards sur nous, et crois-moi qu’elles avaient autant de feu dans leurs yeux que le sorcier en lançait sur les pauvres grenouilles (qui n’étaient pas de vraies grenouilles, mais des Noirs très sympathiques transformés en grenouille par les esprits de l’Au-Delà).

A la fin du film, bien sûr, le sorcier part brûler en Enfer, Barak Obama redevient milliardaire (oui, au début du film il est fauché comme les blés, c’est la seule touche de réalisme du film, d’ailleurs, un Noir dans la dèche), il épouse Halle Berry et ils ouvrent un grand restaurant qui attire des milliers de clients fortunés (je te rappelle que ça se passe dans le Sud, dans les années 30 ou 40, alors je vois ça d’ici, deux Noirs qui tiennent un restau branché dans lequel tous les membres du KKK viennent se payer un bon gumbo entre deux lynchages).
Quand les lumières se sont rallumées, la jeune maman qui était assise à ma droite m’a regardée comme si je venais de lui roter bruyamment au visage. Elle tenait son fiston par la main, un gosse qui devait avoir pas loin de huit ans, avec une drôle de tête comme une montgolfière et qui suçotait vaguement l’oreille d’un ours en peluche cradingue, le regard vide et le cheveux gras.

- Dites, madame, faudrait penser à consulter, quand même, parce que votre fille, permettez-moi de vous dire le fond de ma pensée, ben elle doit avoir un problème dans sa tête!

Je l’ai regardée tout pareil et puis j’ai jeté un regard à l’héritier.

- C’est ça, on lui dira. Et Mongolito, il a flirté d’un peu trop près avec les forceps, ou bien il est juste hydrocéphale?

Phlegmon m’a demandé, une fois rentrées à la maison, si elle pouvait organiser une sorte de goûter vaudou et inviter des filles de son école maternelle à venir piquer des poupées avec des épingles en buvant du faux sang de singe momifié.
Franchement, je vois pas pourquoi j’aurais refusé.


Classé dans :A propos des varices, des hémorroïdes et autres joies indescriptibles de la maternité


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