Rien ne m’amuse plus que de voir les a priori bafoués, les idées toutes faites contrariées, les prédictions péremptoires contredites, les énarchiesbafouées, les UMP dégoûtés ! Ils doivent en faire une gueule ceux là ! Je voudrais être encore petite souris pour les voir se forcer à l’approbation et faire les comptes. C’est mon seul regret d’avoir quitter la meute.
Chez les autres, les hurlements à la « trahison » seront sans doute encore aux rendez-vous des pavloviens, beaucoup se rabattant toutefois sur l’absence de réel pouvoir dévolu à ces postes. Ils oublieront au passage le tocsin qu’ils sonnaient avant les nominations partisanes redoutées.
On cherchera avec difficultés dans l’histoire de la Vème République un président ayant agi de cette façon. Tous, de Gaulle et Mitterrand compris, ont réservé aux “gagnants majoritaires”, les postes importants. C’est également l’actuel Président qui a limité a deux, le nombre de mandats possibles à la tête de l’État, avec mandat pourtant raccourci (je n’approuve d’ailleurs pas, mais c’est un fait). La Vème République ne comporte aucun précédent de ce type. Les chantres de l’ouverture d’esprit devraient être satisfaits ; ils n’ont jamais pu enregistrer l’équivalent depuis la libération.
Il y a ceux qui reprocheront à Sarkozy de faire de la politique et uniquement de la politique, sans aucune autre préoccupation. Certes Martine Aubry est assez mal placée pour critiquer la nomination de Didier Migaud à la Cour des Comptes, elle qui pourrait en faire un ministre des finances de son gouvernement si elle est élue… : «C’est d’abord la reconnaissance du vrai talent d’un authentique socialiste. C’est aussi un geste fort d’ouverture intellectuelle et politique qui, à ma connaissance, ne comporte, en ce domaine, aucun précédent» souligne à juste titre Jack Lang. Et qui oserait prétendre que les Présidents de la République ne doivent pas faire de Politique ?
Député socialiste de l’Isère, Didier Migaud préside la plus importante commission de l’Assemblée nationale : celle des finances, à majorité UMP. Une innovation que l’on doit à Nicolas Sarkozy. Avant même son élection, il avait promis d’en attribuer la tête à un représentant de l’opposition. Migaud, spécialiste reconnu des finances publiques, fut élu haut la main; c’était il y a deux ans. L’initiative, une grande première, avait été très critiquée; elle figure maintenant dans le corpus constitutionnel.
L’homme ne fut pas choisi, à l’époque, par le pouvoir en place, recruté; ce sont les socialistes eux-mêmes qui désignèrent celui qui occuperait cette place éminente et ils choisirent Didier Migaud ; ils viennent ainsi d’élire son remplaçant Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne. Migaud s’acquitta au mieux d’un tâche difficile et ingrate. On pourra consulter avec bénéfices ses interventions sans concessions et toujours marquées par un souci d’objectivité sans pour autant mettre sous le boisseau ses idées.
Commentant un peu vite mardi, certains trouvèrent un instant une explication idéologiquement salvatrice : Sarkozy désigne le socialiste Migaud ici, pour être plus libre dans celle dévolue au Conseil Constitutionnel … Il montrera alors son vrai visage en nommant un pur et dur etc. Vous verrez mercredi ! Exceptionnel et splendide loupé qui me met en joie : patatrac ! Tout faux, mercredi : Michel Charasse … KO technique ! La presse se met à bégayer d’un seul coup ! Mon Dieu que c’est hilarant !
Pour Benoît Hamon, comme pour d’autres c’est suffisant, Michel Charasse n’est plus considéré comme un homme de gauche… “D’ailleurs l’ancien ministre de François Mitterrand ne siège plus dans les rangs du PS au Sénat”. En fait, il serait plus exact de dire que Charasse n’est plus au PS tout simplement; c’est tout autre chose que “plus de gauche” et personne ne pourra, en tous les cas, le taxer d’un profil UMP pur et dur !
Imaginons d’ailleurs les rancœurs à droite, et à l’UMP justement. Sarkozy passe outre ces prurits et fait des choix, certes symboliques, mais surtout complètement en dehors des écuries partisanes.
Bonne chance à Didier Migaud, la succession est lourde au regard de la personnalité d’un Philippe Séguin, mais je suis certain qu’il saura se monter à la hauteur des enjeux. Quant à Charasse au milieu de Giscard, Chirac et Debré, l’ennui sera absent. A ce titre me revient l’une de ses déclarations dont il a parfois le secret; c’était en mai 2006 avant les primaires au PS, sur RTL : ” Les militants socialistes peuvent investir Ségolène Royal … De toutes façons, les militants socialistes ne veulent pas gagner l’élection présidentielle. Les fois précédentes, ils ont trouvé que c’était trop dur de gouverner. Et puis, ils ont compris que ce n’est pas le président de la République qui nomme les garde-champêtres. Alors, ça ne les intéresse pas. Ce qu’ils veulent, c’est que leurs copains dirigent la mairie, ou le conseil régional, pour que leur fils puisse avoir un poste de balayeur, ou alors qu’il puisse obtenir une affectation ici où là pour être avec sa copine.” Pas si mal vu et toujours bien actuel, parlant des militants. Les “baronnies” à conserver sont un des drames du PS : le Maire de Dijon et celui de Lyon allant soutenir le papet du Languedoc-Roussillon en sont des illustrations récentes.
Dieu sait si Sarkozy m’agace souvent et si je n’approuve pas certaines de ses initiatives ou visions du monde, mais j’adore quand il casse ainsi de la porcelaine. Croyez-moi bien vous n’avez pas tout vu et n’êtes pas encore au bout des surprises. C’est impressionnant la manière dont il met en place lui-même les garde-fous de ses propres excès ou de ceux de l’UMP : parce qu’en dépit de tous les commentaires, il vient de nommer des personnages inamovibles, donc libres et à forte personnalité ajoutée. Ils ne manqueront pas, à défaut d’un pouvoir exécutif, d’exercer leurs prérogatives, d’utiliser leurs droits et ils sont importants.