Chronique du pétainisme ambiant

Commençons par une définition : le pétainisme est l’idéologie de la « Révolution nationale », opérée sous la houlette du maréchal après la défaite de l’armée française contre l’armée allemande. Ne réduisez pas Vichy à la Collaboration : comme le rappelle René Rémond dans sa célèbre étude sur « Les droites en France », les collabos furent autant de droite que de gauche. Michèle Cotta, tout autant célèbre comme journaliste politique de gauche, en a même fait l’objet de sa thèse dans les années 60. La Défaite opère des reclassements en fonction d’options intimes qui transcendent les clivages politiques. Le pétainisme est le retour aux idées de la droite traditionnelle, conservatrice, celle qui n’a accepté ni la Révolution de 1789, ni les Lumières. Le pétainisme se résume à la nature des choses, aux valeurs éternelles et à l’intérêt national : travail, famille, patrie.

L’ordre social – dit-il - se doit d’être rebâti sur des communautés naturelles, la famille en premier, le métier en second et la province en troisième. La terre et l’artisanat dans le sens du travail bien fait, organisé et protégé par une corporation, en sont les fondements. Le cosmopolitisme, le libéralisme et le capitalisme sont les ennemis. Tout cela est loin du fascisme qui est une révolution moderne orientée par la technique (et par la biopolitique pour le nazisme). C’est la revanche de la contre-révolution, l’état pur du paternalisme, du moralisme, du cléricalisme et du militaro-scoutisme.

• La petite vie rêvée de la jeunesse rurale, chroniquée récemment, en est une part.
• Le faux radicalisme du NPA qui se traduit en « ne pas » de la part de mouvements sociaux toujours contre (jamais pour), toujours en défense des zacquis (jamais pour les refonder), en est une autre.
• L’évidente moraline d’une part de l’UMP catho-famille, résolument hostile à tout ce que Mai-68 peut représenter, en est une aussi.
• Et, plus étrange mais pas moins significatif, le socialisme en région.

 

Chacun a entendu parler de Georges Frêche en Languedoc et de ses propos envers les harkis ou Fabius, tous gens « pas très catholiques ». Cela dans le sens classique de « pas dans la ligne », voire dans le sens dérivé d’époque de « pas dans la lignée ». Faut-il rappeler aux amnésiques que Fabius s’est mis hors de “la ligne” en 2005 en prônant le NON au traité de Lisbonne alors que son parti prônait le OUI ? Faut-il rappeler aussi les propos de Fabius même, durant la campagne présidentielle, qui demandait en bon machiste sûr de lui-même et dominant : « qui va garder les enfants ? » Il est vrai qu’il ne stigmatisait ni les Juifs ni les Arabes, mais seulement les femmes. Il semble que pour la caste médiatique cela soit nettement plus bénin.

Voilà maintenant que le maire PS de Roubaix dénonce à la justice l’entreprise capitaliste Quick pour vendre de la viande halal. Comme s’il suffisait d’absorber la substance pour être converti de l’intérieur… En ce cas, pourquoi ne pas attaquer les enseignes végétariennes, les boutiques bio ou les restaurants marocains ? Quoi, faudrait-il être condamné au cochon transgénique, au poulet en batterie et à la vache folle pour avoir son brevet de franchouille ? Halal n’est pas burqa et ne met pas en péril les valeurs républicaines !

Comme quoi, le débat sur « l’identité nationale » était loin d’être inutile ! Débattre sur ce que signifie « être Français » aurait évité cette « schizophrénie » qui, selon Michel Onfray dans Le monde du 20 février, atteint le NPA et sa candidate d’apparence intégriste mais de revendications pro-homos et pro-avortement !

Certes, la gauche a évité tout débat parce qu’elle n’a rien à dire.

Certes, le tropisme Ve République est la verticale de la mission, celle qui descend des énarques aux gens de peu néanmoins citoyens, en passant les préfets. Comme si le « débat » à la française se résumait à la confrontation des politicards et des journaleux.

Le pétainisme ambiant est bien plus répandu et bien plus grave que les rituelles invocations au « fascisme » que glapit la gauche en mal d’avenir, comme si le diable n’était pas dans les détails. Au fond le pétainisme éternel, ce regret de l’âge d’or mythique où l’on était bien au chaud entre Gaulois (âge qui n’a jamais existé…), cette envie de « retour à la terre », de « renouveau des valeurs familiales », cet appel au drapeau et à la Marseillaise, cette invocation sans cesse à la laïcité et aux valeurs citoyennes – tout cela n’est-il pas le signe d’un « communautarisme » français ? Est-ce bien la république ? A-t-on autant la nostalgie de l’Ancien régime où chacun était à sa place, la religion établie et le royaume paternellement dirigé par le bon roi Louis ou Henri ?

Car on le voit bien si l’on écoute les Chinois, les Indiens, les Brésiliens ou les Nigérians : le fameux « universel » prôné depuis deux siècles par nos intellectuels est surtout occidental, chrétien et blanc. Une sorte de colonisation mondiale des esprits emportée par la puissance économique et militaire. Alors que monde bascule et que cette puissance décline, le véritable « universel » ne serait-il pas de confronter plutôt les points de vue ? A l’inverse, les Français sont portés à se replier sur eux-mêmes, sur leurs petits clans, métiers et territoires. Bien loin du monde et de l’universel.

Le « pas de ça chez nous » est le reflet de ce dégoût du monde puisque l’on ne sait plus y briller.

Un espoir de 25 ans pourtant, Brian Joubert à l’issue des compétitions de Vancouver, déclare : « Tous ceux qui pensent que je suis, un petit con ont raison ». On aimerait que Besancenot ou Royal aient cette conscience aiguë de leur être (pour ne citer que des exemples très médiatiques). Ils sont tellement confits dans leurs certitudes et imbus d’eux-mêmes.

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