Un Guest Post signé Jean-Michel Bélouve
Entre la décision de construire une centrale nucléaire
et le démarrage de sa production, il s’écoule environ huit ans. Si l’on
pense que l’électricité doit voir sa part de marché croitre au détriment
des hydrocarbures, c’est maintenant qu’il faut décider d’investir.
Emmanuel
Grasland, dans Les Echos du 24 février, rend
compte d’un projet de Gaz de France-Suez pour la construction
d’une centrale de type ATMEA, technologie nouvelle et complémentaire
d’EPR car adaptée à des unités de plus faible puissance. Le but est
double : élargir la part de marché national et européen de GDF dans
l’électricité, et créer une vitrine qui permettra de vendre ce type de
centrales à de petits pays, tels que la Jordanie, pour lesquels les
centrales EPR sont surdimensionnées. La stratégie de GDF parait donc
cohérente : marché porteur, choix d’un créneau délaissé par son
concurrent EDF…
Oui, mais une décision de marketing industriel ne
se prend pas comme cela dans notre beau pays. Les Echos concluent
l’article en exposant le point de vue étatique :
Un industriel ne peut donc définir son plan de développement en fonction des opportunités de marché, de ses ressources propres et de ses objectifs commerciaux. Il doit en passer par les fourches caudines de nos gouvernants. Liberté d’entreprendre ? Vieux souvenir !
Quant à l'argument "compte tenu de la désindustrialisation de la France", il laisse particulièrement pantois. L’état l’accepte comme une fatalité, et se fonde sur cet argument pour s’arroger de décider, à la place de l’industriel, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.
Imposer taxe carbone ou un "paquet européen énergie climat" aura il est vrai pour conséquence de brader nombre de filières industrielles dans lesquelles notre pays a dans le passé exprimé son savoir faire de belle façon. Adieu raffineries, sidérurgie, métallurgie, cimenteries, verreries, chimie, papeteries, cartonneries, allez régurgiter votre CO2 en Inde et en Chine, ou au diable vauvert. Alors dans ces conditions, pourquoi nos politiques approuveraient-ils un réacteur nucléaire de plus ? Non, qu'importe que des moyens d'accroitre notre production de façon rentable existent, ils nous parlent de "maîtrise de l'énergie", pour ne pas dire son rationnement. La pollution de la pensée politique par l'écologisme de la décroissance le plus extrémiste est hélas de plus en plus flagrante.
Et puis, l'on apprend au détour d'une phrase que le projet déplairait à la CGT, face à laquelle nos dirigeants successifs ont pris l’habitude de se coucher ! Halte au nucléaire, Greenpeace et la CGT l’exigent ! Seuls ont droit de cité auprès de nos élites bien pensantes les agro-carburants dont nos agriculteurs ne peuvent plus se passer (faute de pouvoir développer leur marché dans le secteur des OGM), les éoliennes tellement peu productives, le photovoltaïque qui s’amortit en 60 ans, et, pactole escompté pour demain, la séquestration du carbone.C’est en puisant toujours plus au fond des poches des contribuables que l’on compte faire vivre ces activités qui n’auraient aucun avenir économique sans la conjonction de règlementations liberticides et de largesses financières publiques qui laminent les pouvoirs d’achat individuels et mènent l’Etat à la ruine... Mais elles seraient tellement créatrices d’emploi, à en croire nos élites gouvernantes ! Ainsi remplace-t-on les emplois créés par le marché et la réussite industrielle par des emplois (enfin, moins d'emplois...) payés par les contribuables, et qui ne dureront que le temps que le budget public pourra en subir le poids.
--------------
Jean Michel Bélouve (son site), qui livre de nombreuses analyses sur la géo-économie du changement climatique pour l'institut Turgot, est l'auteur de "La Servitude Climatique - Changement Climatique, Business et Politique", aux éditions Libermédia, livre déjà présenté ici.