CE QUE POURRAIENT ÊTRE
LES ARTS SONORES ?
S'interroger sur une discipline aussi large et diverse telle que les arts sonores suppose de (se) poser et reposer les mêmes questions régulièrement, au risque de radoter, pour tenter de définir
des cadres, des limites, des pratiques, des frontières, enfin une sorte de territoire de la création sonore aussi signifiant que faire se peut.
Néanmoins, au fil des visites, des rencontres, des lectures, des navigations internautiques, les problèmes se
déplacent, les questions s'affinent, s'orientent, s'étoffent ou se resserrent, donnant à chaque interrogation un cadrage modifié, recentré, à défaut d'être totalement nouveau. Entre
exercice de réthorique et synthèse, constat et questions ouvertes, en suspens, je vous livre une nouvelle fois quelques réflexions en chantier, sur la notion même d'arts sonores. L'expression "en
chantier" me sert ici de garde-fous, et peut-être d'excuse, pour ne pas affirmer que les choses sont, ou devraient être ainsi, que tous les champs explorés sont parfaitement identifiés et
circonscrits, que l'histoire même de arts sonores est suffisamment ficelée pour en tirer des conclusions sans appel. Cette précaution d'usage étant posée, voyons comment on peut tenter de
questionner des espaces, matériels ou intellectuels, qui contribueraient à délimiter, même imparfaitement, partiellement, des territoires d'action pour la création sonore
contemporaine.
Les arts sonores seraient-ils :
- Là où finit la musique, là ou commence(rait) la non-musique
- Là où la musique intègre des éléments, instruments non "traditionnellement", ou "classiquement"
musicaux
- Là où le bruit se glisse dans la musique, voire se substitue à la musique
- Là où commence le silence
- Là ou le silence devient partie importante de l'écoute
- Là où l'écoute glisse vers la non musique, l'environnement, le quotidien, le trivial
- Là où la notion de beau, d'harmonique, de mélodique est remise en question, chamboulée,
contreversée
- Là où l'expérience, l'expérimental prend le pas sur la construction méthodique, la
notation...
- Là où le hasard, l'incontrôlé, l'aléatoire entre dans des processus de création artistique, d'improvisation,
de performance...
- Là où l'on parle de sculpter la matière sonore comme une matière plastique
- Là où la représentation du son prend des formes plastiques, s'expose à la vue de tous
- là où des dispositifs, sculptures, produisent du son, de façon non résiduelle mais bel et bien
conceptuelle
- Là où Le son accompagne, dialogue, se frotte au visuel, à l'œuvre plastique
- Là où sonore et le visuel s'interpénètrent, se confondent, au service d'une cause commune, d'une œuvre
multiple
- Là où Le son devient lui-même prétexte à être installé dans des espaces données, naturels ou
bâtis
- Là où des dispositifs se mettent au service de l'écoute
- Là où le son s'expose entre dans les galeries, les musées, pour se faire voir autant et parfois même plus
qu'entendre
- Là où l'on voit apparaître des créateurs qui signent artistes sonores
- là où plusieurs genres et pratiques convergent vers une résultant sonore
- Là où la matière sonore est abordée sous ses aspects physiques, vibratoires
- Là où la création sonore constitue un marché potentiel, voire un marché tout court
- Là où le sonore s'extirpe d'un marché
- Là où des lieux spécifiques s'ouvrent pour accueillir l'art sonore
- Là où des événement sont dédiés à la création sonore
- Là où es spécialistes, érudits, historiens, critiques... s'intéressent à la cause sonore
- Là où des spécialistes médiatisent, produisent, diffusent, vendent, mettent en scène des œuvres
sonores
- Là où, au-delà de la musique, la création sonore s'enseigne, comme ou associée à la création
plastique
-Là où des artistes sonores reconnaissent leurs pairs, les grands anciens incontournables, les défricheurs
patentés
- là où l'on commence à envisager une histoire des arts sonores
Là où... ?
Toutes ces phrases doivent, ou peuvent se penser avec un point d'interrogation, et certainement déboucher
ou se prolonger vers des réponses et interprétations multiples.