Heinz Stahlschmidt avait 14 ans lorsque Hitler accéda au pouvoir. Heinz était un jeune homme sympathique, pas spécialement fan des idées nazies, ni accro à la guerre. Lorsque celle-ci éclate, ce jeune gars de Dortmund se trouve enrôlé comme tant d’autres de sa génération. Il a 21 ans lorsqu’il est envoyé en France, en l’occurrence à Bordeaux, et il n’aime toujours ni Hitler ni la guerre : c’est un mec bien. La ville de Bordeaux lui plait, il s’y sent bien. Bien sûr il y a cette verrue de base sous-marine (entre parenthèse : notre plus bel espace d’expos photos aujourd’hui ; allez donc jeter un œil sur celle qui s’y trouve actuellement, présentant essentiellement les photos que George Rodger a réalisées pendant la Seconde Guerre mondiale). Bien sûr il y a cette putain de gestapo et ces horreurs de croix gammées partout. C’est laid à vomir, Bordeaux est occupée dès la capitulation de Pétain, ville trop proche de la mer, port trop important pour qu’on n’y mette pas du nazi partout, le petit doigt sur la couture du pantalon pour assouvir les fantasmes du Fürher. Heinz est donc posé là, dans ce décor qu’il aime mais dont le scénario le gêne : on lui demande de faire sauter le port de la Lune, sur 10 km de part et d’autre du Pont de Pierre. En bon petit soldat, il est censé poser les charges de dynamite tous les 50 mètres. Un grand baoum dont la ville n’est pas sûre de se remettre, 3000 victimes potentielles, un désastre. Un désastre d’autant plus débile que la Wehrmacht est en pleine débandade, la guerre touche à sa fin et on sait d’ores et déjà fort bien que le moustachu à la mèche agressive n’est pas le vainqueur. Cette politique de terre brûlée lui semble insensée, il est bouffé par les scrupules, scrupules que n’eurent pas les sanguinaires abêtis qui incendièrent Oradour, mais c’est un autre problème. Heinz aime Bordeaux et sabote le sabotage dont il était chargé, prenant un risque considérable, celui d’y laisser sa peau. Il fait sauter le dépôt de munitions de la rue Raze, dans le quartier des Chartrons, munitions qui devaient donc servir à anéantir le port. Il agit seul, l’aide espérée n’étant jamais venue. Nous sommes le 22 août 1944. Heinz n’a plus d’autre solution que de se réfugier auprès d’un groupe de résistants. La ville est libérée moins d’une semaine plus tard.
—> Illustration : une épave datant de la guerre, toujours visible dans la Garonne à marée basse.
—> A cliquer :
- l’article de Sud-Ouest rendant hommage à Henri Salmide
- un long article de L’Express consacré à la Libération de Bordeaux (2004)
- un site web consacré à Henri Salmide, réalisé par des lycéens