La question peut surprendre aux premiers abords mais a toute son importance lorsque le bienfondé d’une opposition dépend de l’appréciation faite par l’Office concerné, de la similarité existant entre les vins et les bières. Opposés dans la classification de Nice [1], ces produits sont à l’origine d’une confrontation entre l’INPI et de l’OHMI, lesquels ne semblent pas enclins à adopter une solution uniforme, préférant même raisonner selon deux modes de pensée contraires.
En effet, quand bien même l’INPI considère que les vins et bières appartiennent à la catégorie des boissons alcooliques, il rejette l’existence d’une quelconque similarité entre elles opérant une subdivision au sein même de ce groupe. L’Office français justifie sa position en alléguant l’existence de différences de natures et de modes d’élaboration entre ces produits.
Ainsi, la synthèse des décisions conduit à définir la bière comme étant une boisson fermentée légèrement alcoolisée et préparée à partir de céréales germées et parfumées avec du houblon. En revanche, le vin s’entend d’une boisson plus fortement alcoolisée issue des techniques de pressage et de fermentation du raisin.
En ce sens, l’alcool n’est pas pour l’INPI un ingrédient servant de base à la fabrication de ces boissons, mais est des composants générés par cette fabrication. L’Office fait également état d’une différence de destination allant même à conférer au vin un caractère noble. A cet égard, il estime que ce dernier a pour vocation d’être dégusté lors d’occasions particulières, au contraire de la bière consommée à tout moment de la journée et dont la fonction première est d’étancher la soif du consommateur[2].
Certaines décisions vont même jusqu’à affirmer que ces boissons font appel à des références culturelles différentes et considèrent que ces produits n’intéressent ni la même clientèle, ni les mêmes revendeurs et circuits de distribution[3].
Au contraire, c’est en se reposant sur ses derniers points que l’OHMI reconnaît que vins et bières sont similaires. En effet, pour apprécier leur similarité, l’office communautaire différencie les boissons alcooliques (auxquels ils appartiennent) et les boissons non alcooliques.
Dès lors, quand bien même les vins et bières ont des goûts, présentations et provenances différentes, ils restent caractérisés par le fait qu’ils sont des boissons alcooliques issues d’un processus de fermentation[4].
Cette spécificité est primordiale puisqu’elle conduit l’OHMI à admettre que ces produits sont substituables car consommés aux mêmes moments de la journée (apéritifs, au cours des repas), dans les mêmes endroits (bars, restaurants) à destination du même consommateur adulte[5] et soumis à une réglementation stricte de publicité[6].
En conséquence, malgré une tentative d’harmonisation du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes[7], l’OHMI semble toujours hermétique à l’art du vin…
[1]La 9ème Classification de Nice des produits et services prévoit, en classe 32 : Bières ; eaux minérales et gazeuses ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons. Limonades ; nectars de fruit ; sodas ; apéritifs sans alcool ; en classe 33 : Boissons alcooliques (à l’exception des bières). Cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; extraits ou essences alcooliques.
[2]INPI Décision 19 avril 2007 Opp 06-3612/UL
[3]Cet argument pourrait aujourd’hui être relativisé au regard du développement croissant des sites de ventes en ligne de vins et bières.
[4]OHMI 03 décembre 2009 No B 1246 448 CRISS/GRIS BLANC L’Office rappelle d’ailleurs que l’alcool n’est pas recommandé pour les enfants et ne doit pas être consommé lors de certains moments de la journée (au travail ou au volant)
[5]OHMI 22 octobre 2009 B 1 373 564 MARTIN / F.MARTINS
[6]OHMI Décision du 31 août 2009 statuant sur opposition B 1264 847 EGO/L’EGO
[7]TPI CE 18 juin 2008 aff. T-175/06 Mezzopane c/ Mezzo. Mezzamix. Pour le TPI CE, vins et bières sont similaires à un faible degré non en raison d’une similarité de nature ou de complémentarité entre eux mais de l’existence d’un potentiel risque de concurrence qui n’est pas systématique. «Quant au caractère concurrent du vin et de la bière, il a déjà été jugé, dans un autre contexte, qu’il existait une certaine concurrence entre ces produits. La Cour a ainsi considéré que le vin et la bière étaient, dans une certaine mesure, de nature à satisfaire des besoins identiques, de sorte que l’on devait admettre qu’il existait entre eux un certain degré de substitution. Cependant, la Cour a estimé que, compte tenu des grandes différences de qualité et, partant, de prix existant entre les vins, la relation de concurrence déterminante entre la bière, boisson populaire et largement consommée, et le vin devait être établie avec les vins les plus accessibles aux grand public, qui sont, en général, les plus légers et les moins chers (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Commission/Belgique, 356/85, Rec. p. 3299, point 10 ; voir, également, arrêts de la Cour du 12 juillet 1983, Commission/Royaume-Uni, 170/78, Rec. p. 2265, point 8, et du 17 juin 1999, Socridis, C 166/98, Rec. p. I 3791, point 18). Rien ne semble indiquer que cette appréciation ne soit pas également applicable dans la présente affaire. Il s’ensuit qu’il convient de reconnaître, comme l’indique la requérante, que le vin et la bière sont, dans une certaine mesure, concurrents».
Sources :
INPI Décision 19 avril 2007 Opp 06-3612/UL
OHMI Décision du 03 décembre 2009 statuant sur l’opposition No B 1246 448 CRISS/GRIS BLANC
OHMI Décision du 22 octobre 2009 statuant sur l’opposition No B 1 373 564 MARTIN / F.MARTINS
TPI CE 18 juin 2008 aff. T-175/06 Mezzopane c/ Mezzo. Mezzamix