C’est terrible ! Ici, maintenant, en France, pays merveilleux de la Légalité, du Droit, de l’Égalité, des Taxes et des petits bisous, alors même que des milliers de jeunes issus de tous les milieux se battent d’arrache-pied pour obtenir un diplôme de haute lutte, des Universités, manifestement toutes acquises à la cause du Néo-Libéralisme Triomphant et de la Méchanceté Universelle, se sont lancées dans des opérations scandaleuses et illégales pour rendre l’accession à l’année suivante plus dure, moins égalitaire voire discriminante. Il faut que cela cesse ! Heureusement, l’UNEF est là.
C’est, effaré, que j’ai découvert un communiqué de l’UNEF, encore humide des larmes de rage et de tristesse de ses rédacteurs imbibés jusqu’au plus profond de leurs fibres citoyennes des valeurs démocratiques essentielles de notre belle République.
La main tremblante d’une émotion difficilement contenue, j’ai ainsi appris que la noble organisation étudiante avait découvert douze universités qui ne respectent pas le cadre règlementaire pour organiser leurs examens.
C’est t-horrible. C’est une katastrophe. C’est, on peut le dire, une habomination sans nom !
J’ai sorti mon joli mouchoir brodé, épongé furtivement les petites larmes qui coulaient de mes yeux embués de l’émotion terrible qui m’avait envahie, et j’ai épluché le communiqué.
D’après l’enquête, il semble donc que les douze Universités déviantes n’organisent plus les sessions de rattrapages des examens ! Ces repaires du Malin ont eu l’impudence de croire qu’on pouvait remplacer ces rattrapages par l’utilisation du contrôle continu !
Si les chefs de ces établissements qui ont basculé du côté sombre ne se sont pas encore lancés dans des sacrifices rituels d’étudiantes vierges, ils n’en sont pas loin puisqu’on apprend, toujours dans le même communiqué, que leurs établissements imposent maintenant des notes éliminatoires et ne compensent plus les notes entre elles !
C’est, on peut le dire, l’étape qui précède, à l’évidence, le cannibalisme et les burgers halal.
A ce point du récit, vous vous doutez que j’avais renvoyé mon petit déjeuner dans la poubelle proche : j’ai le cœur sensible, que voulez-vous, et il m’aura fallu plusieurs minutes de sur-ventilation, à respirer de l’essence de rose, pour me remettre de telles horreurs.
Prenant mon courage à deux mains, j’ai tout de même continué la lecture du communiqué.
Je tiens un blog, merde, je dois bien ça à mes lecteurs qui se tapent ma prose régulièrement !
Et je suis tombé sur ce morceau de barbaque sanguinolente, encore fumante de la chaleur du bestiau auquel il avait été arraché manifestement avec des explosifs :
La suppression de secondes sessions ou encore la mise en place de notes éliminatoires marquent la volonté d’instaurer une véritable sélection par l’échec dans les universités. Ces pratiquent sont donc clairement incompatibles avec les objectifs fixés par Valérie Pécresse dans le cadre du plan « Réussite en licence » d’atteindre 50% d’une classe d’âge diplômée de licence.
D’un coup, plusieurs choses s’expliquent.
On découvre ainsi, stupéfait, que l’UNEF emploie des étudiants analphabètes qui ont, très probablement, été directement confrontés à cette véritable sélection par l’échec ; ainsi, « Ces pratiquent », après une lecture rapide, ne veut rien dire et sera avantageusement corrigé par « Ces pratiques ».
Mais plus encore, on détecte aussi que l’UNEF semble tout ébouriffé à l’idée que les universités opèrent une sélection lors de ces examens – Maille Gode! – et que cette sélection reposerait, au final, sur l’échec de certains et pas d’autres – Ach Zabotach !
Mais le communiqué continue sur sa lancée. Chaque paragraphe, que dis-je, chaque phrase, telle une perle précieuse d’humour au huitième degré, vient s’ajouter au collier de consternations qu’on peut façonner, l’œil hagard, à la lecture de ce monument au Soldat Inconnu du Poncif de Gauche, de la section des Tournures Grammaticales De Combat.
On trouve ainsi tout ce passage, qui mériterait peut-être un blog entier pour en analyser tous les tenants et les aboutissants, et permettrait, plus tard à des archéologues de comprendre comment la France a pu produire une quantité industrielle de branquenouilles au début du 21ème siècle :
Enfin, les examens sont aujourd’hui un des leviers de la concurrence entre les étudiants. Alors que les étudiants s’acquittent des mêmes droits d’inscription, ils ne disposent pas des mêmes droits pour leurs examens. Par exemple, un étudiant en droit ne sera pas évalué de la même manière s’il est inscrit à l’université de Lyon 3 ou de Paris 1.
Je passerai pudiquement sur l’examen vécu comme un levier de concurrence, c’est trop pathétique pour mériter plus que ces quelques mots, et je m’attarderais quelques secondes, le sanglot coincé quelque part dans mon œsophage entre mon épiglotte et mon estomac, sur la révélation faite à l’UNEF : les facultés, en France, sont différentes, leurs niveaux ne sont pas les mêmes et les examens n’ont donc pas tous les mêmes modalités ni les mêmes valeurs ; en conséquence, un étudiant de Lyon 3 ou de Paris 1 ne sera pas, effectivement, évalué de la même manière.
Quand on y réfléchit, c’est d’ailleurs cette différence qui fait qu’il existe encore quelques facultés où l’étudiant peut espérer sortir avec autre chose qu’un bout de papier rigolo à placarder dans ses toilettes.
Mais je pourrais noter que l’étudiant qui subit le terrible temps méridional de Marseille est lourdement handicapé par rapport à celui qui travaille dans les conditions luxueuses du soleil de Brest, que le pov’ti’pioupiou qui bosse dans une faculté comme celle d’Aix doit regretter les chaleureuses merguez-parties et autres interruptions intempestives et répétitives de cours de l’université de Jussieu ou de Nanterre : qu’il doit amèrement regretter d’être dans le Sud et de ne pas pouvoir bénéficier de l’appui marqué des kamarades kommunistes qui distribuent des trakts révolutionnaires à la Sorbonne !
D’autre part, la situation – d’organisation différente dans les facultés – n’est pas, en rien, nouvelle : il y a vingt ans, les facultés étaient au moins aussi disparates dans l’organisation de leurs cursus, l’attribution des notes et les moyens mis en œuvre pour juger, classer et – mot clef haldogène – discriminer les branleurs des travailleurs. L’UNEF aura mis du temps pour se réveiller…
Et bon, à part ça, que veut l’UNEF, devant une telle hostilité de ces méchantes facs contre les gentils étudiants ?
Je vous le donne en mille : « L’UNEF interpelle Valérie Pécresse et exige une nouvelle règlementation !«
Eh bien oui, le syndicat d’étudiants qui ont un problème avec les pluriels veut donc en passer par la loi car – tout le monde le sait – en France, chaque problème, réel ou imaginaire, est résolu par une bonne grosse loi baveuse comme une omelette dont on casse forcément les œufs pour la faire, s’pas, hein, m’suivez bien ?
L’idée, bien sûr, derrière ce nouveau communiqué palpitant de réalisme, c’est de « favoriser la réussite de tous« , ou, dit simplement, filer un diplôme à tous ceux qui en veulent un. Comme pour le bac, mais niveau Licence.
Je crois qu’on commence à distinguer un motif, répété depuis le collège (unique et égalitaire, hein), puis sur le bac. En route vers la licence !
Après avoir bien lu tout ce … cette… le communiqué, j’ai été rechercher les réponses des universités devant les accusations gravissimes de différences entre elles.
Bizaremment, elles démentent fermement être hors la loi. Franchement, je trouve ça petit de ne pas jouer le jeu des Bisounours du Syndicalisme Etudiant. Mieux, elles osent prétendre que les changements opérés dans les modalités d’examen l’ont été avec l’accord des étudiants ! Et le pompon, c’est qu’en plus de ça, ces bidouillages honteux auraient provoqué une augmentation du taux de réussite !
Vraiment, ce monde est trop injuste.