La France étant friande d’animation et de contre-culture nipponne, il n’est pas étonnant que l’annonce de la venue d’un réalisateur japonais pour présenter en avant-première sa nouvelle œuvre d’animation - quelques jours après sa projection au Festival de Berlin - attire du monde. Cet homme c’est Mamoru Hosada, pas le nom le plus connu ou révéré du genre, mais un nom certainement respecté par les amateurs ayant vu son précédent long-métrage, La traversée du temps.
Trois ans après les aventures de la lycéenne se découvrant le don de pouvoir remonter le temps, Hosada prend une nouvelle direction avec Summer Wars, en basculant dans le monde virtuel. Dans le Japon qu’il prend pour cadre, la société est accro à un réseau social global appelé Oz. Accessible de tous et de partout, Oz fait partie intégrante de la vie de chacun. Kenji est un lycéen génie des maths qui comme tout le monde a son avatar dans Oz. Mais cet été là, le jeune homme est prêt à délaisser un peu le monde virtuel pour rendre service à la jolie Natsuki, qui le recrute pour passer quelques jours à la campagne dans sa famille afin de se faire passer pour son petit ami. Alors que Kenji découvre cette drôle de famille, un étrange virus s’empare d’Oz. Un virus si puissant qu’il risque de causer des dommages dans le monde réel autant que virtuel.
Ce qui faisait la grande qualité de La traversée du temps, c’était la remarquable capacité d’Hosada à entremêler réalisme et fantastique. Son film intégrait parfaitement l’épopée fantaisiste à l’intérieur d’un portrait mélancolique de la jeunesse japonaise. Le film coulait de source, glissait ambitieusement. Summer Wars pêche au contraire au niveau de la fluidité. Son film contient deux univers censés parfaitement intégrés l’un à l’autre, mais qu’il a du mal à faire coexister avec harmonie. Il y a quelque chose de maladroit dans l’univers créé. Une volonté de nous faire basculer dans un virtuel peu engageant alors que l’on est charmé par le cadre réaliste de la famille japonaise qu’il a développé.
L’univers d’Oz, qui prend une place prépondérante dans le scénario du film, est à l’évidence là pour commenter la tendance incontournable de l’être humain moderne à projeter sa vie dans le virtuel, dans les sites communautaires, les jeux vidéos, les avatars, et de mettre en parallèle plus qu’en opposition ce trait de société à la vie de famille. L’idée est plus que louable, mais elle s’inscrit de travers dans Summer Wars. L’intrusion virtuelle détourne le film de son cœur et de sa grande réussite, cette exploration drôle et tendre de la famille, tiraillée entre les générations, tiraillée entre les héritages ancestraux et les préoccupations modernes. Cet aspect du film est une belle réussite, et rappelle en bien des points le beau film de Kore-eda Hirokazu Still Walking.
Au lieu d’oser tisser tout son film autour de cette exploration de la famille japonaise, Hosada consacre bien trop de temps dans Oz lui-même, à faire s’affronter des avatars à coups de poings ou à coups de cartes, à nous faire déambuler dans cet univers blanc et graphiquement peu entraînant, alors que nos sens sont mis en éveil dès que les personnages réels reprennent le pas dans le fil narratif. Dès que les petits cousins jouent les pestes, que la grand-mère joue la bienveillante, dès que le cousin jalouse et que le lycéen rougit. C’est ce cinéma-là que j’aime chez Hosada, et non son passé de réalisateur de Digimon.
Tout bancal que Summer Wars soit, le public parisien venu assister religieusement à l’avant-première a réservé une véritable ovation à Mamoru Hosada, présent en fin de projection pour une rencontre avec le public. L’accueil plus que chaleureux a laissé le cinéaste rieur, pantois et ému. De son discours est ressortie une information particulièrement plaisante, celle révélant que son prochain film délaissera totalement le virtuel pour se focaliser sur une petite poignée de personnages aux préoccupations bien réelles. C’est ce qui constitue la qualité de Summer Wars, qui devrait sortir dans les salles françaises en juin prochain, et ne peut donc que présager du meilleur pour ce que le cinéaste aura à nous offrir à l’avenir.