La Fabrique des images au Musée du Quai Branly

Publié le 22 février 2010 par Delanopolis
Un exposition très très très intello quai Branly. Heureusement, les oeuvres présentées nous aident à relever le défi. Philippe Descola est bardé de titres et de diplômes : anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et professeur au Collège de France. il est sans doute l'intellectuel le plus ambitieux du moment. Il a en effet entrepris rien moins que répartir les cultures en quatre catégories, selon le rapport qu'elles établissent entre l'esprit humain et l'animalité. Pour faire bref, il y a les animistes (continuité d'esprit, discontinuité de corps entre l'homme et l'animal : l'être intérieur de ce dernier ressemble à celui du premier), les naturalistes (discontinuité d'esprit, continuité de corps : l'homme se distingue par sa logique mais sa biologie le rattache aux autres animaux), les totémistes (humains et non-humains partagent les mêmes qualités physiques et morales tout en se distinguant d’autres classes du même type) et les analogistes (tous les êtres sont uniques et donc différents). Chaque catégorie est signalée à la surface du globe par des points rouges, disséminés comme par l'effet d'un prurit.

Tout cela est certes intéressant et appuie ses démonstrations sur des oeuvres d'art exposées dans d'audacieux rapprochements. Le gros problème, c'est que des milliers d'oeuvres produites dans tel ou tel de ces sous-ensembles géographiques ne sont pas convoquées à l'appui du raisonnement et pourraient être rangées dans une catégorie à laquelle elles ne sont pas censées appartenir. Que faire, par exemple, des centaures grecs et de tous les hybrides homme-animal produits en Occident, qui raisonnent comme un humain tout en ayant des parts bestiales ? Et des sympathiques créatures ailées à tête d'homme barbu de Mésopotamie ? Comment ranger les myriades de formules étranges de l'Egypte antique, tantôt Dieux, tantôt rois, tantôt hommes ? De toute façon, la catégorie analogique pourra servir de voiture-balai et ramasser ce qui n'est à son aise nulle part. La belle était bien bête, aurait pu nous dire Cocteau. Enfin ... il est toujours bon d'être classificateur, cela aide à réfléchir.

En attendant, nous pouvons nous réjouir du spectacle de très belles peintures aborigènes australiennes, de masques éléphants africains et de marines hollandaises. Un rapprochement agréable qu'on voit d'ordinaire dans les salles de ventes plus que dans les musées. Et si le Delanopolis a le temps, c'est promis, il vous proposera un jour lui aussi une petite méthode pour classer le grand tout.