Ce livre est né du trouble suscité par la coexistence d’une dégradation de la situation économique et sociale d’un nombre croissant de personnes et d’un capitalisme en pleine expansion.
Pourquoi la critique du capitalisme, si vive dans les années soixante, se réduit-elle aujourd’hui à des invectives incapables de proposer des voies alternatives ? Les changements du capitalisme sont-ils inéluctables et si bénéfiques ? Pourquoi ce "désarroi idéologique" ? S’inspirant de la problématique de Max Weber, les auteurs montrent que de nouvelles valeurs, inspirant les discours du management, ont rendu tolérable et permis la réussite de ce nouveau capitalisme fondé sur l’initiative des salariés et l’autonomie de leur travail. Ce "nouvel esprit du capitalisme" a en particulier incorporé la "critique artiste" qui s’était épanouie en mai 1968 en revendiquant "une exigence de libération, d’autonomie et d’authenticité" que le capitalisme hiérarchisé et aliénant ne pouvait satisfaire.
Cette somme qui brasse avec bonheur les apports des différentes sciences sociales s’adresse à un public averti. En montrant combien à chaque âge du capitalisme celui-ci a besoin d’une idéologie qui légitime ses pratiques, les auteurs en appellent à une relance de la critique pour limiter son expansion démesurée. —Gery Dumoulin
L’Entreprise
L’art de la récupération La situation sociale se dégrade, pourtant le capitalisme triomphe. Partant de ce constat, les auteurs s’interrogent : malgré ses tares, malgré les dégâts humains qu’il engendre, comment le capitalisme peut—il encore apparaître comme le seul système possible, voire souhaitable ? Sans doute grâce à sa capacité d’adaptation, de récupération et de communication. Le capitalisme a besoin de faire partager une idéologie, un " esprit " pour obtenir l’adhésion des personnels nécessaires à la production et à la marche des affaires. " Pour être mobilisateur ", précisent même les auteurs, cet esprit doit " incorporer une dimension morale. " Alors qu’il subissait une crise croissante d’adhésion à la fin des années 60, le capitalisme a su rebondir en récupérant une partie des thèmes de la contestation de Mai 68.
En étudiant les discours du management des années 90, Luc Boltanski et Eve Chapiello montrent notamment comment ceux-ci ont intégré les thèmes de l’autonomie, de la créativité, du rejet de la hiérarchie, du refus de la planification, ou font l’éloge des petites structures en réseau... Résultat, la critique " artiste ", qui dénonçait l’alliance du capitalisme et de la bureaucratie, est muselée. Et la critique " sociale ", figée sur de vieux schémas de production hiérarchisée, devient inopérante. Malgré l’épaisseur du volume, le propos est passionnant. Et chacun peut y puiser quelques éléments de réflexion pour se réapproprier son existence. —Delphine Sauzay—
Détails sur le produit
* Broché : 843 pages * Editeur : Gallimard (26 octobre 1999) * Collection : NRF essais * Langue : Français * ISBN-10 : 2070749959 * ISBN-13 : 978-2070749959