Les méthodes employées dans la ville de Marjah donnent un aperçu de ce que l'administration Obama et le Pentagone réservent au peuple afghan, écrit Joe Kishore.
Ville de Marjah - Des civils fuient ce qui va devenir la zone des combats entre les troupes d'occupation et la résistance afghane - Photo : AP
L'attaque lancée le 13 février contre la ville de Marjah est la première offensive majeure entreprise par l'armée américaine en Afghanistan depuis que le président Barack Obama a ordonné l'escalade de la guerre menée par les États-Unis avec l'envoi de 30 000 soldats supplémentaires.
L'attaque sur Marjah est la plus importante opération militaire américaine dans la guerre depuis l'invasion ordonnée en 2001 par George W. Bush.
Marjah doit être suivie par toute une série d'offensives sur l'Helmand et Kandahar, les deux provinces très peuplées du sud de l'Afghanistan qui sont au cœur de la résistance contre le régime d'occupation américain. Selon les chiffres publiés le mois dernier, ces deux provinces représentent à elles seules plus de 600 des 1600 tués que l'on dénombre dans les forces américaines et de l'OTAN dans la guerre en Afghanistan.
Les méthodes employées dans la ville de Marjah donnent un aperçu de ce que l'administration Obama et le Pentagone réservent au peuple afghan tout au long de cette année, dès que le printemps rendra possible un déploiement plus agressif de la puissance de feu américaine, en particulier des avions et des hélicoptères de combat dont l'utilisation s'est réduite au cours de l'hiver.
La prétention affichée par les autorités américaines, et répétée à foison par les médias, que l'offensive serait conduite avec un minimum de morts civils a déjà volé en éclats et dès ce dimanche, alors que 12 personnes ont été massacrées dans une attaque militaire contre une maison dans cette ville d'environ 80 000 personnes. Parmi les morts figurent 6 enfants. Au total, 20 civils ont été tués, selon les médias.
De plus, l'armée américaine affirme avoir abattu environ 100 des quelque 400 combattants de la résistance armés de fusils et de lance-grenades qui s'opposent à 15 000 soldats américains, britanniques, canadiens et fantoches afghans, lourdement armés et soutenus par des avions, des drones et de l'artillerie. Pour les Etats-Unis, quiconque résiste à l'occupation est qualifié de Taliban, et il est impossible de déterminer combien de ces morts étaient effectivement des combattants.
Une agence médicale italienne a aussi accusé les forces de l'OTAN d'avoir empêché que des Afghans blessés soient transportés vers les hôpitaux de Lashkar Gah, la capitale provinciale. Dans la province de Kandahar, à l'est de Marjah, cinq civils ont été tués dans un raid aérien, une autre « erreur », selon les responsables américains.
Après avoir établi le contrôle sur la ville, les forces d'occupation ont planifié une fouille porte-à-porte à la recherche de ceux qui s'opposent à l'occupation. Avec un soldat pour cinq personnes dans la zone Marjah, il y aura sans aucun doute encore beaucoup plus de victimes civiles.
L'opération dans Marjah a été lancée dès le départ comme une offensive de propagande, visant autant le peuple américain que le peuple afghan. Un « succès » dans Marjah est destiné à prouver la viabilité de l'escalade voulue par Obama en Afghanistan, et la viabilité de la stratégie contre-insurrectionnelle du commandant des forces américaines en Afghanistan, le général Stanley Mc Chrystal.
Les médias américains - composés principalement de journalistes « embarqués » dans les diverses unités de l'armée et qui soumettent leurs reportages à la censure militaire - ont consciencieusement répété la ligne gouvernementale selon laquelle tout est fait pour minimiser les pertes civiles et gagner « les cœurs et les esprits » du peuple afghan. Mc Chrystal s'est vanté que les forces de l'OTAN apportaient dans leurs bagages un gouvernement « en boîte » qui est prêt à fonctionner, et en principe, prêt à apporter la paix et la prospérité dans Marjah.
Les tueries de civils sont inévitablement présentées comme malheureuses, mais inévitables. Ceci est accompagné d'un débat sur les contraintes supposées appliquées sur les actions des États-Unis pour éviter la mort de civils, augmentant le danger encouru par les soldats. Le corollaire de cette attitude est prévisible : le déchaînement de violence et d'atrocités par les militaires sera présenté comme la réponse de soldats frustrés par ces restrictions, et sera donc imputé à ceux qui résistent à l'occupation.
L'offensive pour prendre le contrôle de Marjah n'est que la première étape d'une offensive dans les provinces du Helmand et de Kandahar au sud, bastions de la résistance à l'occupation étrangère au le régime fantoche corrompu du président Hamid Karzai. Cet objectif sera rempli grâce aux meurtres à grande échelle et à la répression brutale et systématique de quiconque s'opposera au droit des États-Unis d'occuper l'Afghanistan.
Une fois le contrôle des États-Unis consolidé dans Marjah et dans la province du Helmand, et avec encore plus de renforts américains arrivant au printemps, des campagnes de plus en plus sanglantes sont à attendre, culminant par un assaut sur Kandahar, la deuxième ville d'Afghanistan et berceau des Talibans, dirigée le jour par Ahmad Wali Karzaï - frère du président et baron de la drogue - et dirigée la nuit par les Talibans.
Avec une population de près d'un demi-million d'habitants, Kandahar est de taille comparable à Falloujah, [la ville irakienne en grande partie détruite par les troupes américaines en Novembre 2004] et citée par les responsables militaires comme un modèle pour l'actuelle campagne.
L'opération criminelle conduite sous la direction de l'administration Obama s'est accompagnée du silence des organisations « anti-guerre » de la classe moyenne aux États-Unis. Ces groupes se sont totalement compromis avec leur soutien à Obama et, de fait, ils défendent les objectifs fondamentaux des États-Unis dans cette guerre.
Le produit phare de ces organisations, le magazine « The Nation », n'a pas publié un seul article sur son site Web concernant l'offensive sur Marjah. Le seul commentaire publié sur l'Afghanistan se concentre sur les questions tactiques se posant à la classe dirigeante, par exemple si les forces américaines devraient oui ou non s'engager dans des négociations avec une partie des Talibans.
L'offensive au sud de l'Afghanistan montre que l'arrivée au pouvoir de Barack Obama et du Parti démocrate n'a servi en rien à stopper le renforcement du militarisme américain. L'escalade afghane s'est combinée avec une forte augmentation des attaques de missiles drones américains sur le Pakistan - qui ont tué 123 civils rien que pour le mois de janvier - l'ouverture d'un nouveau front de la « guerre contre le terrorisme » au Yémen, des menaces de plus en plus vives contre l'Iran, et de plus en plus d'actions provocatrices à l'égard de la Chine.
Le développement de la guerre est déterminé par les intérêts fondamentaux du capitalisme américain, notamment par la mise en place d'un contrôle sur les régions géo-stratégiques du Moyen-Orient et de l'Asie centrale. La guerre est l'expression à l'extérieure des intérêts prédateurs de l'élite financière américaine. La bulle des budgets militaires - comme l'a été le renflouement massif des banques - sera financée au moyen de coupes dans les programmes sociaux et par l'intensification de l'exploitation de la classe ouvrière.
Il est nécessaire de lancer une nouvelle mobilisation contre la guerre avec l'exigence d'un retrait immédiat et inconditionnel d'Afghanistan de toutes les troupes américaines et autres troupes étrangères.
Une telle mobilisation doit partir de la compréhension fondamentale que la lutte contre la guerre doit être un combat contre le capitalisme, l'administration Obama et les deux grands partis affairistes. Elle exige la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste.
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