Il y a le soir, dans les rues de Saint-Pierre, des chats. Leurs yeux deviennent jaunes et brillants à la lumière des phares. Ils traînent dans les poubelles, dont la ville du Sakifo est bien pourvue... Ils se méfient des humains, détalent quand on arrive. Près de ma poubelle à moi, il y a une chatte. Et ses petits. Ils trouvent leur pitance là, dans la puanteur et l'ordure. Eux s'en foutent des régionales, et du débat annulé sur Antenne Réunion. Je crois que le gars qui dort aux pieds de mes escaliers, ses baskets bien rangées près de lui, s'en fout aussi. Lui n'est pas un chat. Pourtant, dès que quelqu'un s'approche il se relève, il bondit comme un félin. Parce que quand on dort dans la rue, tout est danger. Le moindre bruit, le plus petit mouvement. Le gars qui dort en bas de mon escalier réagit comme un chat. Pourtant c'est un homme. Il travaille. Tous les jours que Dieu fait. Le dieu des chats sans doute... Mais il dort au bas de mon escalier. Me dis bonsoir quand je rentre tard le soir et que je le réveille. Je ne lui ai pas demandé, si, comme mes amis félins, parfois, il regarde au fond des bacs verts, des épluchures du marché tout proche, s'il fouille, juste pour manger. Je fais juste attention de ne pas le réveiller quand je rentre, quand je l'enjambe... Et quand je l'enjambe, quand je tourne la clé de ma porte d'homme protégé par une serrure, je me dis qu'il s'en fout, l'homme-chat, l'homme tout court, des régionales, du débat Vergès-Vira, comme les chats s'en foutent. Sauf que lui c'est un homme. Que j'enjambe.