En effet cet Etat est passé maître dans l'art de prendre des otages - en 1999 il s'agissait d'infirmières bulgares et en 2008 de ressortissants suisses - et de faire chanter les pays dont les otages sont originaires pour obtenir hier des armes, aujourd'hui des excuses injustifiées et des dédommagements pécuniaires tout aussi injustifiés. C'est ce qu'il faut bien appeler du kidnapping d'Etat pour obtenir rançon en nature ou en espèces.
Naguère encore ce pays sans foi ni loi soutenait ouvertement le terrorisme islamiste. Il croyait s'être racheté une conduite en frayant, entre autres, avec Nicolas Sarkozy ou Silvio Berlusconi, et en leur faisant miroiter des contrats mirobolants. L'argent n'a pas d'odeur, même pas celle du pétrole ... Mais le naturel de l'Etat voyou est revenu au galop et a brisé les efforts accomplis jusque là.
En novembre dernier, comme elle en a le droit, la Suisse a refusé d'accorder des visas à 150 Libyens - 188 depuis juin, d'après un journal libyen . En vertu de l'accord de Schengen, que la Suisse a signé, ce refus s'est étendu automatiquement à tout l'espace Schengen. La Libye, par mesure de rétorsion, le 15 février dernier, soit plus de trois, ou huit, mois plus tard, a refusé d'accorder des visas d'entrée aux Européens, à l'exception des Britanniques. Ce faisant elle a commis sa première erreur dans le bras de fer qui l'oppose à la Suisse.
Quant à Bernard Kouchner, le sémillant ministre des Affaires étrangères français, il s'est ridiculisé le 17 février 2010 ici en ignorant que la Suisse n'a pas besoin de faire partie de l'Union européenne pour être membre de l'espace Schengen et en osant accuser la Suisse de prendre les Libyens en otages ! Le comble de la malhonnêteté intellectuelle !
Dire, comme le font les autorités libyennes depuis le début, que le sort des deux otages suisses n'est pas lié à l'affaire Hannibal Kadhafi, est se moquer du monde. Attraire en justice des ressortissants étrangers sous de faux prétextes - infraction à la législation sur l'immigration et activités économiques illégales - caractérise les dictatures championnes des parodies de justice. La relaxe de l'un des deux otages devant la prétendue justice libyenne est un aveu, contrairement à ce que dit la Libye, qui y voit, sans rire, le signe de son indépendance du pouvoir...
Le 1er décembre 2009, Rachid Hamdani et Max Göldi [sa photo ci-dessus provient d'ici] étaient condamnés tous deux, par contumace, pour séjour illégal, à 16 mois de prison ferme et 2'000 dinars d'amende - un dinar vaut environ 0.86 CHF. Le 31 janvier 2010 le premier était innocenté en appel. Le 11 février la peine du second, toujours en appel, était réduite à 4 mois de prison ferme.
Le 6 février 2010, Max Göldi était condamné à une amende de 1'000 dinars pour activités économiques illégales, tandis que le lendemain, 7 février 2010, Rachid Hamdani était innocenté de ce deuxième chef d'accusation. En théorie Rachid Hamdani, innocenté deux fois, aurait dû pouvoir quitter le territoire libyen aussitôt. Les autorités ne lui ont permis de le faire qu'aujourd'hui, soit 16 jours plus tard. Les documents administratifs devaient sans doute être acheminés à dos de chameau...
Dans la nuit du 21 février au 22 février 2010, la Libye a commis une deuxième erreur. L'ambassade suisse à Tripoli a été encerclée par des troupes libyennes. Cette intimidation a eu pour effet de susciter la solidarité avec la Suisse d'ambassadeurs européens présents en Libye ici et de montrer le vrai visage de cette dictature en mal de respectabilité. Ce qui ne s'achète pas...
L'innocent Rachid Hamdani est libre mais son innocence ne l'aura pas empêché d'être retenu en Libye pendant 583 jours. Max Göldi lui est retourné en prison, en principe pour 4 mois. Il est remarquable que la justice "indépendante" libyenne se soit acharnée sur ce ressortissant suisse pur jus et ait permis au double national helvético-tunisien de partir. Deux poids, deux mesures. A l'issue de procès fabriqués.
Les données ne sont plus les mêmes cependant. En commettant les deux erreurs qui ont permis à la Suisse de ne plus se trouver seule face à Kadhafi, qui joue volontiers au chat et à la souris avec la Suisse, la Libye a certes gardé un atout en mains, sous la forme de l'otage suisse, mais elle a fourni à la Suisse, dont le Conseil fédéral a pataugé de longs mois, un sérieux atout pour le contrebalancer, celui du soutien des pays européens, au nom de Schengen...
Francis Richard
Rappel des précédents articles sur l'affaire Kadhafi :
La Libye de Kadhafi retient depuis 500 jours deux Suisses en otage du 01.12.09
Le gang Kadhafi, père et fils, et l'initiative anti-minarets du 22.10.09
Retour sur la 64e session de l'ONU et le bras de fer Kadhafi-Merz du 01.10.09
Affaire Kadhafi: où l'on découvre qu'Hans-Rudolf Merz ne sait pas lire... du 08.09.09
Affaire Kadhafi : en attendant le retour des deux otages. du 27.08.09
Affaire Kadhafi : C'est la honte ! Hans-Rudolf Merz a fini par se coucher du 20.08.09
La prise d'otages en Iran comme en Libye est une politique de dictature du 11.08.09
Affaire Kadhafi : avant de franchir les 2 derniers millimètres du 23.07.09
Cherche escroc style Madoff pour gérer fonds Kadhafi du 29.06.09
L'affaire Hannibal Kadhafi ou l'immunité diplomatique par filiation du 24.04.09
Kadhafi réclame 300'000 francs à la Suisse pour jouer au Père Noël du 24.12.08
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Affaire Kadhafi : trompe-l'oeil du parallèle entre Libye et Suisse du 31.07.08
Affaire Kadhafi : baisser son pantalon en étant dans son bon droit du 29.07.08
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Nous en sommes au
584e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le dernier otage suisse en Libye