Extrait : "Elle était partie avec un homme, là-bas, à l'étranger, et lui n'avait pas voulu revenir alors elle était revenue seule. C'est tout, tant pis disait-elle, je n'allais pas croupir à l'attendre. Et puis elle parlait d'autre chose. Et l'ivresse, l'arrogance, puisqu'elle était revenue, de croire qu'avec elle c'était tout ce qui semblait possible du temps où ils étaient étudiants qui était revenu. Mais pourtant le soir il partait travailler en répétant à Pauline que ça ne durerait pas, ce travail. Qu'il finirait par ne plus y aller parce qu'il en avait assez du trajet, des raclettes, des serpillières et des jus noirs de crasse dans les seaux, des histoires qu'il entendait là-bas, les engueulades que crachait la voix lourde et pâteuse d'un chef enclin à fouiller derrière les ouvriers tout ce que fatalement ils oubliaient de chirures d'oiseaux sur les vitres, de Kleenex et d'aluminium froissé, avec les relents de sauces et les miettes de sandwiches dans les rainures des sièges. Et alors, il disait qu'il s'en irait bien un jour, qu'il trouverait autre chose ou qu'il reprendrait ses études-il ne parlait pas des carnets dans le sac de cuir qu'il trimballait toujours à l'épaule, où qu'il aille- et puis, la misère des gens aussi était tombée de ses yeux, de ses mains, avec une grande lassitude il avait suffi de les voir accorder leur vie à l'étroitesse de la place qu'on donne à chacun pour qu'il soit pris de dégoût ; il avait dit à Pauline qu'il ne cèderait pas, lui, jamais.
Quel entêtement ils ont eu, tous les deux, à croire qu'ils feraient mieux que les autres."