Depuis le mois de septembre, à chaque fois que je traversais le hall du collège pour aller dans le réfectoire, une petite élève de 5e venait me dire bonjour en souriant. C’était une ancienne élève de l’année dernière. Elle en profitait pour m’annoncer qu’elle voulait devenir professeur d’histoire et qu’elle rêvait de porter la barbe honorifique qui accompagne la fonction. (Elle complimentait également le Berrichon Masqué sur sa chevelure, mais là c’était de l’ironie.)
Aujourd’hui, le hall était bien vide et bien triste aussi. Cette élève a été expulsée avec sa mère et son beau-père jeudi matin en direction de la Russie. Elle vivait en France depuis trois ans. Elle était parfaitement intégrée et francophone. Sa famille a fait les frais de la politique du chiffre d’une application inflexible des lois en dépit de toute humanité.
Plus encore que le fond, les méthodes utilisées lors de cette expulsions sont répugnantes. Les policiers sont arrivées à 5h00 du matin dans le foyer d’accueil. (En dehors des horaires La grand mère maternelle qui se trouvait dans la chambre d’à côté est inexpulsable en raison d’un cancer et d’un lourd handicap. Qu’à cela ne tienne, on embarque la fille et la petite-fille. Par délicatesse, les policiers refusent de la réveiller. Elle se passera donc des adieux déchirants. La mère a été menottée devant sa fille. La famille est envoyée à Roissy dans la journée. La mobilisation du réseau ESF se met en place. Il est trop tard. Le soir même Nadia et sa mère sont à Moscou.
Un jour, un professeur de droit constitutionnel m’a dit que l’on jugeait le niveau de civilisation d’un pays à la cruauté de ses lois et à la manière dont elles sont appliquées. Je commence à avoir honte de vivre dans ce pays.