La plage de Weneky, dans la baie de Saint
Joseph, au Nord d'Ouvéa.
Antoine Omei de la tribu de Weneky à Saint Joseph est un homme étonnant !
C’est un kanak amoureux de son île etconscient qu’il faut la protéger à tout prix.
Il vit de pêche et il organise des randonnées autour du lagon en compagnie des requins.
Au départ, il faisait découvrir son paradis aux quelques amis qui lui rendaient visite, puis le bouche à oreilles en a fait une destination incontournable et une expérience magique.
Antoine en a fait une activité à plein temps, faisant partager la passion de son
île aux touristes venus à Ouvéa. Il est devenu guide ; un guide intarissable sur les secrets de son île.
Histoire des îles Loyauté, connaissances de la faune et de la flore, anecdotes, légendes…La rencontre avec Antoine est inévitable pour celui qui veut tout connaître
d’Ouvéa !
La vie pour lui est faite de
choses simples : « Casse pas la tête ! » serait sa devise préférée car à son avis tout problème connaît une solution.
Il a quitté son île, voyagé, habité en Bretagne, épousé une bretonne dont il a eu deux enfants, divorcé pour épouser Graziella, son épouse actuelle, qui lui a donné un autre enfant
et tout ce petit monde forme une grande famille unie…normal, c’est la vie, « Casse pas la tête ! », « Ya des choses plus graves en ce monde que de se chipauter en
famille ! »
Avec l’œil extérieur de celui qui a voyagé plus loin que son atoll, il a regardé son île d’un regard neuf lorsqu’il est revenu.
Après avoir participé à réparer
les dégâts sur les plages bretonnes causés par la marée noire de l’Erika, il a pris conscience qu’un site, par la folie des hommes, pouvait être du
jour au lendemain mise en danger et il a pensé à son île dans les Loyautés.
Lorsqu’il est rentré sur ses terres paradisiaques, il s’est attaché à s’occuper d’écologie. Pour faire passer son message, il n’hésite pas à ramasser lui-même les déchets qui
jonchent l’île, en emmenant derrière lui la jeune génération qu’il va convaincre dans les écoles de l’île.
On parle d’Ouvéa comme « l’île la plus proche du paradis »…c’est vrai,
c’est un joyau qui a tout pour l’être, mais les touristes que nous sommes, attachés à un minimum de respect de l’environnement (on ne doit pas même jeter un mégot de cigarette parterre !),
sont effarés par certains coins de ce paradis magnifique qui servent de…décharge publique ! Il n’est pas rare, en effet, de trouver sur certaines plages ou en bord de route des cannettes de
bières, des papiers gras qui tapissent le sol, des sacs plastiques….
Pas de poubelles alors on jette parterre !
Le Paradis doit rester propre !
Ce pourrait-il que ce beau lagon bleu qui suscite tant d’admiration soit en danger un jour parce que l’on n’y aura pas respecté les espèces et que l’on y aura jeté n’importe quoi pendant des décennies ? Nous osons espérer le contraire…Ho, il y a pire ailleurs, sur d’autres terres, bien sûr…mais ce serait grave de ne pas en prendre conscience ici…
Préserver le milieu naturel, préserver le lagon qui est l’une des seules richesses de l’île, est une priorité première, les habitants vivant essentiellement de la pêche.
Antoine, lui, a vu tout ça, et il veut anticiper sur l’avenir !
Il connaît le lagon comme sa poche ; il en connaît chaque richesse. Il
connaît la vie des plantes et celle des poissons. Il connaît les espèces qui doivent être protégées.
Il voit la nature changer…et il doit tirer le signal d’alarme !
Certaines zones du lagon, là-bas dans le nord, lui appartiennent en propre, et tout particulièrement une partie des cinq doigts de la « main », comme il aime décrire cette partie du lagon, formés par de petits bras de mer qui forment le « Nimeck ».
Le « Nimeck » veut dire « Mourir demain » en langage kanak.
Le « Nimeck », c’est le nom donné à la nursery des requins. Un ventre naturel où les requins femelles viennent déposer leurs petits à l’abri.
Incessant va-et-vient des requins qui viennent nourrir leurs petits, abrités au fond de cette passe aux eaux si transparentes.
Le requin, héritage des ancêtres, que l’on doit protéger comme beaucoup d’espèces qui vivent dans le lagon.
Le requin qui est l’âme de l’ancêtre disparu et que l’on doit respecter.
« Nimeck »…mourir demain…
Et Antoine n’a de cesse d’expliquer que : « Pour ne pas mourir demain,
il faut protéger le lagon mais surtout cette nursery aux requins, si fragile, car sinon ce sont toutes les espèces qui disparaîtront de l’écosystème ! »
Antoine, l'homme qui protège les requins...
Ce sont ces mots-là qu’Antoine martèle pour que l’on comprenne bien son message.
Il les martèle en agitant le bout de bois qui lui sert à dessiner le « Nimeck » sur le sable blanc de la plage qui borde la nursery aux requins.
Sur le sable, le dessin de la main et des cinq doigts…la main qui recueille les bébés requins.
L'entrée de la passe aux requins...à droite!
Le "Nimeck" se trouve tout au fond de la passe...mais chut les bébés requins y dorment paisiblement...
Dernier regard sur le dessin incrusté dans le sable, puis le regard se pose sur le « Nimeck » et sur les taches noires qui évoluent dans l’eau translucide. Un aileron, puis un autre…les requins évoluent dans la passe dans un incessant ballet aquatique.
Ils attendent la marée haute et un niveau d’eau suffisant pour leur permettre de franchir la passe qui les mènera dans la nursery.
C’est le moment propice pour nous, quand l’eau n’est pas trop haute, pour franchir la passe afin de découvrir le domaine d’Antoine.
A son signal et en file indienne derrière lui, les sacs à dos au-dessus de la
tête, nous traversons la passe avec de l’eau jusqu’à la taille, entourés de squales…
Le ballet incessant des requins qui attendent la marée haute pour franchir la passe...
Des taches sombres, un aileron...ils ne sont pas très loin de nos pieds...ils 'approchent même de très, très
près, car les requins sont curieux et ils sont intrigués par notre présence.
C’est cette randonnée au pays des requins que je veux vous raconter bientôt.
Une randonnée avec Antoine qui nous a servi de guide...la "Randorequins"comme on
l'appelle entre nous!
Pour comprendre cette randonnée à la rencontre des requins que nous avons faite les pieds dans le lagon, il fallait avant tout que je vous raconte cette histoire et que je vous présente Antoine,
l’homme qui protège les requins.
C’est chose faite ! Vous allez maintenant pouvoir nous suivre…
Rendez-vous à 9 heures du matin avec Antoine, devant l’église de Saint
Joseph !
Qui ne sait pas où se trouve l'église Saint Joseph? Je vous l'ai pourtant déjà montrée dans l'article précédent...allez, retournez voir!
Il ne s'agit pas de rater notre rendez-vous car Antoine n'attendra pas! Ou plutôt la marée qui monte, qui monte...nous empêchera de franchir la passe...