Après trois heures de marche au paradis des requins avec Antoine, nous arrivons
sur une plage magnifique, devant la passe de l’îlot Unyée :
Antoine nous donne « quartier libre » : une bonne heure devant nous !
Nous nous restaurons un peu, nous allongeons sur le sable blanc afin de nous reposer quelques minutes de notre randonnée fantastique.
Le site est magnifique : nous sommes dans une carte postale !
Nous sommes conscients de la chance que nous avons d’être là, au bout du monde, sur cette plage paradisiaque et de vivre une telle expérience…
Le lagon turquoise est irrésistible et nous prenons masques, palmes et tubas pour aller faire un peu de snorkeling au milieu des coraux.
Plongée incontournable dans un site pareil !
Antoine rassure les personnes inquiètes :
"Rares sont les requins qui nagent dans cette passe…ils sont plutôt dans la passe que nous avons traversée tout à l’heure, occupés à la nursery à nourrir leur progéniture ! Et puis les
requins ici sont pacifiques !"
Rassurés, tout le monde plonge gaiement !
Au bord, quelques petits poissons multicolores, quelques jolies anémones de mer et jolis coraux, une étoile de mer bleue…mais je suis un peu déçue…pas de poissons à foison comme lors d’autres plongées. Serais-je déjà blasée ?
« Normal, me rétorque mon fils Sébastien, il faut aller plus loin, près des grosses patates de corail là-bas, pour trouver de gros et beaux poissons ! Suis-moi ! » Et le voilà parti.
Mmmm, pas trop envie…je ne sais pas ce que je risque de rencontrer comme
monstres si loin de la plage…téméraire mais pas très courageuse...et puis Sébastien n’a peur de rien…il n’est pas comme moi…et si sur les patates de corail il y avait des murènes, ou des tricots
rayés, ou des poissons dangereux…ou bien même des requins… ?
Je le suis sans le suivre…un peu à contrecœur…scrutant les fonds sous-marins, à mon rythme…
Pas terribles, ces poissons-là décidément…pas de gros gabarit…rien de bien impressionnant…
Je suis tentée d’aller rejoindre mon fils. D’autres personnes plongent là-bas aussi.
Le site a l’air paisible…
Au moment où je me décide à donner quelques coups de palmes vigoureux pour rejoindre Sébastien qui se tenait à dix mètres en amont de moi…une ombre jaunâtre, E-NOR-ME, me croise à la perpendiculaire en venant de ma gauche…à trois mètres de moi.
(Là, vous mettez la musique lugubre du monstre qui arrive subrepticement du
sombre fond de l’océan pour happer sa proie ! Tadadin...)
* Image empruntée là, car en ce qui me concerne, j'aurais lâché l'appareil-photos!
J’ai le temps d’apercevoir deux ailerons et le squale bifurque tranquillement vers le large !
Un requin citron !!! Je manque d’avaler mon tuba et refais
surface en hurlant :
« REQUIN CITRON ! Ya un requin citron, là ! »
Et ni une, ni deux, je nage comme je n’ai jamais nagé de ma vie, aussi vite que
si dix mille requins étaient à mes trousses !
« Les dents de la mer » en direct live !
Certains nageurs autour de moi se dépêchent de regagner la plage, dont une jeune
maman et ses deux enfants qui commençaient à se détendre dans les eaux paisibles.
On m’entoure, on me demande des détails ; certains, intéressés, s’empressent de remettre masque et palmes et plongent à la recherche du requin !
Mon fils Sébastien sort de l’eau, hilare.
« Seb, t’as vu ?! Il y avait un requin citron ! Il était nez à nez avec moi ! Tu l’as vu ? » (Je n’ai quand même pas rêvé, hein ?)
« Ben, oui je l’ai vu, bien sûr ! Il pourchassait une grosse carangue jaune devant moi et je l’ai chassé vers toi pour que tu le voies ! Belle bête de 2 mètres 50, hein ! »
* Carangue jaune empruntée ici
2 mètres 50…Ho oui, il faisait au moins 2 mètres 50… je me suis retrouvée nez à nez avec un requin citron de 2
mètres 50…mon fils est inconscient !
Jeter sa mère en pâture aux requins !
J’ai mis un moment à m’en remettre quand même…mais vous savez quoi ?
Maintenant que j’étais en sécurité sur la plage et entière…et bien j’étais rudement contente d’avoir vécu cette fantastique expérience…malgré moi ! Fière, même!
Nager avec un requin, comme dans les films…le rêve ! Surtout lorsque l’on sort vivant de l’aventure !
Pourtant, je ne suis pas sûre du tout, si j’avais le choix, de souhaiter me retrouver une nouvelle fois face à face avec un requin…mais une chose est sûre, c’est que j’étais contente et le suis
encore !
Quelle expérience inoubliable !
Bon, finalement…ces monstres des mers ne sont pas aussi méchants qu’on veut bien le faire croire…ou bien c’était un ancêtre kanak d’Antoine qui était là pour me protéger !
Oui, celui-là était sûrement un curieux, au gentil caractère…car il faut savoir que les requins sont qualifiés par les scientifiques de « potentiellement dangereux » …
Comme les humains, ils doivent avoir leurs humeurs. Il paraît qu’il y a des requins joueurs, des requins curieux et timides, des requins…agressifs !
Tout dépend de celui que l’on rencontre, sans doute…
Il parait que les requins sont plus dangereux en période de reproduction car ils
défendent leur territoire…ou bien à certaines heures de la journée (entre 14 et 18 heures)…ou bien par « stimulation alimentaire » lorsqu’ils veulent s’emparer du poisson que le
pêcheur sous-marin tire derrière lui…ou bien lorsque l’eau n’est pas très claire…et à ce moment ils se trompent et vous prennent pour une tortue lorsque vous êtes sur votre planche de
surf…
En fait, on ne sait rien du requin…ou pas grand-chose !
Les calédoniens en rencontrent souvent dans le lagon et n’en ont pas peur ;
c’est un peu leur animal fétiche.
Ce sont souvent des « pointes noires » ou des « pointes blanches », plutôt curieux et craintifs, qui sillonnent le lagon.
Si vous discutez avec la plupart des calédoniens, ils vous diront que le requin est « potentiellement » dangereux…potentiellement seulement !
Et les surfeurs, mon fils le premier, vous rétorqueront qu’il y a plus d’accidents de la route et plus de chances de se faire piquer par une abeille que de se faire bouffer par un requin…( Hum…des abeilles, je doute qu’il y en ait en Calédonie !) et si vous insistez sur la dangerosité potentielle du requin, ils se fâchent en accusant les médias et les scientifiques de diaboliser le requin !
Les statistiques sont là…c’est vrai : il y a peu de morts par accident de requins à travers le monde.
Et pourtant…en Mars dernier, sur la côte ouest de la
Nouvelle-Calédonie, sur le spot de surf réputé de Bourail, un jeune de 19 ans a trouvé la mort après avoir été attaqué à trois reprises par un requin.
Rien ne prédestinait le requin à attaquer et c’est la première attaque mortelle en Calédonie…
Et pourtant…pendant mon séjour là-bas, la baignade a été interdite dans la baie des citrons à Nouméa pendant trois jours pour cause de "requin–tigre" qui rôdait dans les parages…Des témoins l’ont aperçu…alors psychose après l’accident mortel de Bourail ou réalité ?
Et pourtant…après mon retour en métropole, début Décembre, j’ai appris
que dans le nord ouest de la Calédonie un pêcheur sous-marin avait été attaqué par un …requin citron !!!
Des blessures aux cuisses qui n’ont heureusement pas mis sa vie en danger ! Cet homme doit son salut à son bateau qui n'était pas loin...
(Il n'a pas l'air bien sympathique, ce requin-là...Ce n'est pas moi qui l'ai pris en photo, vous pensez bien! J'ai emprunté l'image ici)
Lorsque j’ai appris cette attaque de requin, qui plus est de requin citron, je vous assure, qu’avec le recul,
j’en ai eu des sueurs froides !
Je me suis revue nez à nez avec mon requin citron dans la passe d’Unyéé…
Je sais ce que pensent les défenseurs des requins : si le requin devient
agressif, alors qu’au départ c’est un animal pacifique, c’est la faute de l’homme qui rejette ses déchets de consommation dans l’océan…
C’est peut-être aussi une explication…le requin prenant goût à manger autre chose que du poisson sera tenté de plus en plus souvent de se taper un rosbif
d’homme !
Non, dans le doute et parce l’on ne connaît rien au comportement du requin,
je crois vraiment qu’il ne faut absolument pas leur faire confiance…et je me demande vraiment ce qui m’a pris ce jour-là à Ouvéa de plonger aussi
sereinement dans la passe aux requins…le paysage idyllique sans doute qui efface tous les dangers…les paroles rassurantes des gens de l’île (il n’y a jamais eu d’attaque mortelle à Ouvéa…)
et pourtant…je suis encore là, entière…et mon requin à moi, par chance avait un gentil caractère ou bien était bien luné ce jour-là…
Désormais, lorsque je me baignerai de nouveau dans le lagon calédonien, je crois
que je penserai à enfiler une cotte de maille !!!
Sexy, une cotte de maille pour nager, non ? Je pourrais lancer la mode du « maillot de bain-cotte de maille à frou-frou »…un truc à inventer pour plonger sereinement dans certains
océans du monde…