Le suicide de Jean-Pierre Treiber remet de façon dramatique la question du suicide en prison au cœur de l’actualité. N’en déplaise à la meute, malgré les suspicions qui plannent sur sa personne, le disparu reste présumé innocent et la victime d’un système judiciaire pour lequel cinq années de détention préventive est une quasi normalité. “On peut s’évader et être innocent” avait dit de lui son avocat Eric Dupont-Moretti lors de son escapade de 2009. On peut se suicider et être innocent ou coupable. La mort d’un homme en prison reste, quoi qu’il en soit, un échec de notre société. Avec le taux de suicide en prison le plus élevé d’Europe de l’Ouest, notre pays est détenteur d’un funeste record et ce, dans une indifférence quasi-générale.
Un suicide tous les trois jours en prison soit, trois fois plus qu’en Espagne. Les geôles de la République ne sont pas très ragoûtantes. L’ampleur du phénomène atteste de la gravité de la situation des prisons françaises. Des culs de basse-fosse plus que des prisons d’ailleurs. De nombreux rapports pointent une situation indigne. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale déposé le 29 juin 2000, accablant, ne s’y était pas trompé, évoquant noir sur blanc “une humiliation pour la république“.
Si en une décennie, des efforts ont été réalisés, la hausse du nombre de suicides ces deux dernières années (109 en 2008, 115 en 2009) attestent qu’ils demeurent insuffisants même si Claude d’Harcourt, le directeur de l’administration pénitentiaire déclarait il y a quelques mois, avec le plus grand naturel, sur un plateau tv à propos de la surpopulation : “il est faux de dire que la situation est déplorable“. Une affirmation totalement contredite par la commission Albrand chargée en 2009 de dessiner des pistes pour lutter contre le suicide en prison.
Louis Albrand, le médecin auteur du rapport commandé par Rachida Dati, s’était illustré en refusant de se rendre à la remise officielle de celui-ci, avançant qu’il aurait été édulcoré par le ministère pour éviter la mise en cause de la surpopulation carcérale.
Ces jours-ci, l’AFP revenait sur une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) publiée à la mi-décembre, selon laquelle la France détient le taux de suicides en prison le plus élevé de l’Europe des Quinze. L’étude souligne que ces suicides concernent plus particulièrement les détenus placés à l’isolement et les prisonniers placés en détention provisoire dans l’attente d’un procès.
De fait, on estime que les suicidés sont à 60% des condamnés et donc à 40% des prévenus, avec un mode opératoire qui est essentiellement la pendaison et des périodes très ciblées : l’entrée en prison, l’approche de la sortie ou du procès.
Depuis 2004, l’administration pénitentiaire avec le peu de moyens qui sont les siens a tenté d’enrayer les choses. Si ces mesures ont produit des effets au départ, on constate malheureusement leur essoufflement depuis 2007.
L’avis des observateurs converge au moins sur un point, c’est que l’effort ne doit pas porter uniquement sur la question de la surpopulation mais s’étendre à la philosophie même de la politique pénitentiaire. Même le très réactionnaire ancien Garde des Sceaux Pascal Clément en convient. Trois objectifs sont à atteindre : former, soigner (psychiatriquement) et réinsérer car, tôt ou tard, les détenus ont vocation après avoir acquitté leur dette à l’égard de la société à retrouver la liberté. Paradoxalement, “Le suicide c’est souvent la dernière liberté d’un détenu” avouait dernièrement un gardien au micro d’une station de radio.
L’urgence, c’est que la France atteigne enfin les standards européens en matière d’incarcération. En 2012, le plan de création de 10 000 places de prison arrivera à son terme. 2012, une date politiquement symbolique. Un candidat aura-t-il le courage d’aller contre une partie de l’opinion publique et d’inscrire, noir sur blanc dans son programme, un vaste programme de remise à niveau de notre système judiciaire et pénitentiaire ? Force est de constater que pour beaucoup de nos concitoyens, la simple décence des conditions d’incarcération est perçue comme un luxe que ne mériteraient pas ceux qui ont fauté.
François Mitterrand avait eu l’étoffe d’un homme d’Etat en se positionnant contre la peine de mort à contre-courant de l’opinion publique mais, les contextes sont aujourd’hui différents. Le prochain mandat présidentiel sera marqué par un contexte financier extrêmement tendu avec une dette publique abyssale. Les arbitrages seront cornéliens et, tout est à redouter dans la période de recul des valeurs que nous enregistrons. Des choix cornéliens et hautement symboliques car, le niveau d’humanité d’une société s’apprécie aussi à la façon dont elle traite les plus faibles.
Prison : ITV exclusive du Dr ALBRAND
envoyé par Santesocial. - L’info video en direct.
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