La mort est une posture et un trouble. Posture parce qu’elle impose une attitude particulière du corps en position allongée pour l’éternité ; trouble
parce qu’elle donne l’apparence que tout est fini alors que personne ne sait si après elle, l’âme errante n’est pas habitée des mêmes douleurs de vivre, des mêmes malheurs d’être.
Vivre n’est pas forcément drôle, mais mourir est pénible.
Epictète disait, il y a bien longtemps déjà : « Ne sais-tu pas la source de toutes les misères de l’homme, ce n’est pas la mort, mais la crainte de la mort ? » Cette peur,
d’ailleurs très occidentale, nous impose des silences et des masques, des insistances à être et à ne pouvoir disparaître : les réactions des opinions publiques quand un soldat meurt au
combat, les débats compliqués sur l'euthanasie révèlent à quel point nous n’admettons pas de voir mourir.
L’essayiste Philippe Di Folco s’est colleté à la mort en dirigeant un dictionnaire de 1 000 entrées et autant de pages (un peu plus) sur elle. J’ai très modestement participé à la rédaction de
cette somme qui passe au crible les aspects biologiques, cliniques, historiques, sociologiques, psychologiques, économiques, politiques et culturels de la mort, un funèbre et réjouissant tour
d’horizon de ce qui attend n’importe quel être vivant sur cette planète qu’il soit un homme ou un anophèle (sachant que l’anophèle a moins de perspectives à penser sa mort sinon à fuir le Begon
fulgurant). Une planète éternelle qui a la chance de poursuivre son cheminement depuis quelques millénaires maintenant, avec et sans nous, une pérennité qui n’est pas prête de s’arrêter malgré
les allégations catastrophiques des prophètes de pacotilles qui brament sa disparition… Et d’ailleurs si tel était le cas, si la terre implosait vraiment, quelle importance, personne ne serait là
pour témoigner de la douloureuse disparition de l’humanité. Sauf peut-être les astronautes de la station spatiale internationale condamnés aussi à affronter la mort à petit feu dans le vide
intersidéral de l’espace sidérant. Comme la mort. Sidérante, elle l'est en effet, parce qu’elle impose une stupeur qui fascine autant qu’elle repousse.
Cet ouvrage de chevet (sortie demain, € 28) n’alimente pas en cauchemars, il donne à réfléchir sur le principe de vie qui consiste à oublier que nous sommes mortels pour mourir en
paix. Un jour. Même pas peur.