Rafael Romero Marchent
1967
Avec: Peter Martell
Ha ha ha! Moi de toute façon, un spagh qui commence avec la chanson langoureuse d'une voix de bellâtre qui hurle le désespoir humain, ce n'est plus la peine de me parler, je suis déjà parti, les yeux hypnotisés par le générique dessiné avec les croix de partout et les revolver qui crachent. Ensuite vous pouvez me mettre tous les défauts du monde, un dialogue incompréhensible dans une prison, une torche qui enflamme une maison aussi vite qu'une flaque d'essence, un quaker qui assomme un implacable d'un seul coup de poing (alors que celui-ci venait de se maraver grave avec le fils du tyran local), sans oublier bien sûr un nombre incalculable de types qui tombent des toits en faisant haaa comme des gamins, et bien c'est trop tard, rien ne viendra altérer l'inénarrable bonheur qui m'envahit alors.
Le scénario est des plus basique. Un garçon voit ses parents massacrés, sa sœur emmenée en quasi esclavage par le puissant du coin. L'enfant grandit, il revient au bercail pour nettoyer tout ça, avec l'aide d'un fermier sympa et d'un horticulteur rigolo (tiens non?). Rien que ça, de toute façon, ça me suffirait, une fratrie démantelée d'un coté, une dynastie despotique de l'autre, une haine sans limite d'un coté, une méchanceté sans borne de l'autre. C’est la base quoi. Les scénaristes nous rajoutent pourtant quelques subtilités bien senties, comme ce sous-texte sur la vengeance qui n’appelle que la violence, mis en exergue par le regard haineux et soudain incrédule de Peter Martell à la toute fin du film (oui, je spoile). Le héros, loin d’être le pistolero taciturne habituel, n’est finalement qu’une bête stupide qui passe sont temps à se jeter dans la gueule du loup et qui ne doit son salut qu’au jeune Quaker (Luis Gaspar) apôtre de la non violence. Et bien pour le coup, ça nous change des vengeurs froids et méticuleux qui épluchent consciencieusement le casting des seconds rôles.
Rafael Romero Marchent est le frère du réputé Joaquin Romero Marchent (Condenados a Vivir). Sa réalisation est honnête et solide, dépourvue de génie mais dotée de moments de fulgurence mélodramatique qui mériteraient de figurer dans le best of du genre. Ainsi le meurtre inaugural de la familia a réussi à me mettre les larmes aux yeux, moi qui ait déjà supporté virtuellement tant de familles massacrées dans le petit monde odieux du western latin, et malgré les défauts habituels du genre (en particulier le doublage) ! Faut dire que pour m’aider il y a une très bonne musique de Francesco De Masi avec des trompettes lugubres à souhait. Peter Martell est très bien, et les deux seconds rôles féminins font mouche, la sœur du héros d’abord (Mara Cruz) avec sa cicatrice ténue, mais bien présente et qui hurle soudain sa haine cataclysmique, et la blonde sœur du méchant ensuite (Dianik Zurakowska) roulant les larmes de l’innocence soudain perdue. Mario Novelli est le méchant au fouet, pas si caricatural qu’à l’accoutumée, il est beau, il tient parfaitement son rôle ! Le carnage final manque un peu d’à propos mais il faut bien finir sur une rue parsemée de cadavres. En résumé, un bon petit spagh pour les amateurs du genre, dont les magnifiques accents grandiloquents et le scénario de tragédie familiale exacerbée suffisent à masquer les évidentes faiblesses.
Où le voir : DVD SNC M6 avec VF et VI. La jaquette « Fluide Glacial » de Thierry Robin tient le coup visuellement, et finalement je commence à m’attacher à ces drôles de jaquettes, qui passeraient beaucoup mieux sans les imbéciles logos « Italian Flavour » et « 100% western spaghetti ». La qualité de l’image est correcte au niveau de la définition, complètement loupée au niveau de l’étalonnage. On a bien un bon premier tiers du film qui manque totalement de luminosité comme si tout le film se passait en nuit américaine. Mais à la limite, cela étoffe le propos en rappelant ces quelques secondes d’obscurité avant la mort du Christ ou un truc du genre, ces bricoleurs de SNC/M6 ont sans le vouloir élevé la qualité intrinsèque de l’œuvre !