Dans les métiers du marketing ou de la communication new-age, et surtout dans le secteur Recherche & Développement, on peut — doit? — avoir recours à des études indépendantes pour savoir si le dossier qui traîne sur le bureau justifie son coût et d’autres investissements d’ordre personnel.
Parmi les conclusions d’une étude récente sur les habitudes des braves que nous sommes, il y a celle-ci: “Les lecteurs [gens qui lisent] sont de plus en plus désemparés devant la manière dont les médias se construisent dans le monde digital d’aujourd’hui. Leur comportement face aux médias est comme déraciné: les gens consomment les médias là où ils se trouvent par hasard. D’où l’incertitude du consommateur, qui ne sait plus s’il a lu/écouté/vu telle information qui pourrait le concerner.” Pour résumer: le lecteur (et consommateur potentiel) ne fait pas très attention — aux infos, aux pubs — parce qu’il n’est pas concentré. Non seulement il n’est pas tout à son affaire; il est là par hasard.
Mmmm. Quand je disais que la musique n’est pas écoutée aujourd’hui; elle est entendue, certes, mais pas écoutée. Tout le monde fait autre chose en même temps. Sauf peut-être l’ex-Président U.S. Gerald Ford qui, selon des journalistes, ne savait pas marcher et mastiquer du chewing-gum en même temps. Pour ce qui nous concerne, nous, les lecteurs munis de gadgets, nous aimerions lire un bouquin français de temps à autre: la seule chose qu’on ait envie de faire en même temps, c’est de s’asseoir. Mais passons. Le problème du net, pour revenir à nos moutons digitaux, est l’absence de “clôture”. Le net est un parc d’attractions à l’échelle planétaire. On n’a jamais de sentiment d’aboutissement, car on clique plus loin. On a toute la constance d’une souris déglinguée sous LSD. D’où cette réflexion: il doit bien y avoir d’autres moyens de raconter des histoires dans le monde des médias numériques, à part les milliards de sites qui se ressemblent tous.
![Réflexions sur les livres numériques : Noir & blanc ou couleurs, information ou publicité ? Réflexions sur les livres numériques : Noir & blanc ou couleurs, information ou publicité ?](http://media.paperblog.fr/i/285/2858432/reflexions-sur-livres-numeriques-noir-blanc-c-L-2.jpeg)
Une info : on apprend avec étonnement — auprès de sources bien placées pour le savoir — que cinq millions de lecteurs électroniques ont été vendus. Cinq millions d’E-readers seulement, toutes marques confondues, Kindle, Sony, Bookeen et consœurs réunies. C’est un chiffre invisible: rien qu’aux USA, 50 millions d’adultes paient $16 tous les mois pour se faire livrer un journal chaque matin, et ceux qui sont abonnés à des revues sont encore plus nombreux.
Autre info : les annonceurs et créateurs de publicités sont inquiets devant le peu d’attention accordé à leurs efforts par un public (petit, certes, on parle de 5 millions de gens) qui voit “par hasard” une page de pub N/B. Et ils sont angoissés par ce constat: la plupart des outils électroniques entre les mains de ces consommateurs potentiels affichent les textes et images en N/B.
Dernière info : on a parlé dans ces colonnes du quasi-monopole de Vizplex, le système de “simulation papier/encre”, sur la plupart des 5 millions d’E-lecteurs déjà vendus. L’affichage est en N/B. Ce que l’on sait moins, c’est que les éditeurs (de textes, d’images) sont médusés par le nombre de téléchargements d’applications pour iPhone qui permettent de lire des trucs en couleurs sur un écran mesurant seulement 3.5″. Imaginez le désarroi de tous les graphistes qui développent leurs publicités sur des écrans de 24″ en pensant qu’elles sont consultées avec le même équipement! N’oublions pas non plus que l’affichage d’un iPhone plafonne à la résolution de 163ppi.
Même si nous avons du mal à imaginer un iPhoneur passant des heures à agrandir/réduire une accroche publicitaire avec son pouce et son index, nous déduisons que des bureaux R&D dans le monde entier travaillent d’arrache-pied pour résoudre un dilemme dont les enjeux financiers sont énormes: non seulement le consommateur potentiel est là par hasard, mais il est devant un écran de 3.5″ (pour les iPhoneurs), ou de 6″ maximum (pour les acquéreurs d’un Kindle/Sony/Bookeen etc.); dans les deux cas, l’écran n’affiche pas 10% de
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Combien de temps faudrait-il, à votre avis, pour que les éditeurs, développeurs, ingénieurs R&D de chez Apple, bureaux d’études et autres consultings se réunissent autour d’une table pour prendre le pouvoir sur le monde? Au 18ième siècle déjà, en 1776 pour être précis – l’année de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, c’est peut-être un signe – le philosophe et économiste écossais Adam Smith écrivait dans sa “Richesse des Nations”: “Les gens d’un même métier se rencontrent peu souvent, mais la conversation tourne toujours à une conspiration contre le public, ou à une quelconque machination pour augmenter les prix.”
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Remarquez, Next Issue Media a des soucis. A table, dans cette nouvelle famille, il y a déjà deux loups et personne ne sait qui aura raison: chez Time Inc., on préfère apparemment “l’idée d’une tablette juste un petit peu plus grand que l’iPhone, avec un écran de 6 ou 7 pouces,” alors que chez Hearst Corporation on pense que “des écrans de 10″ ou 11.5″ sont le mieux pour les journaux et magazines. A l’avenir, ce sont des appareils qui seront enroulés ou pliés pour être glissés dans la poche.” On n’y croit pas une seconde, et quant au graphiste qui va réfléchir à la pliure centrale de sa pub… Il n’est pas né, l’annonceur qui transformerait ses réclames en deux pages de 5″.