« 12 heures de la vie d’un glandeur ». Voilà quel pourrait être le sous-titre de cet opuscule flâneur, potache et minimal, mais non dénué de grâce. Il ne s’y passe pas grand-chose à part les déambulations d’un jeune homme dans la ville, entre rencontres de fortune, gags minimes, coulées steadicameuses à pied et à vélo, bercement de rock bruitiste et interruptions dues à quelques intertitres.
Pablo Stoll a filmé là son jeune frère (et incidemment ses parents et ses amis), un frère assez fuyant et secret dont le caractère insaisissable s’accommode assez bien du pari formel du film (beaucoup de bruit et de mouvement mais pas de dialogue).
J’attendais aussi ce film puisqu’il marquait le retour de Pablo Stoll après Whisky en 2004, assez exemplaire comédie humaniste à combustion lente, qu’il avait cosigné avec Juan Pablo Rebella Seulement, Rebella s’est donné la mort en 2006 et ce n’est donc que seulement aujourd’hui que Pablo Stoll revient au cinéma avec ce film qui pourrait s’apparenter à de simples gammes (mais réalisées avec aisance).
Certes, on n’est pas obligé de connaître l’histoire personnelle du réalisateur pour appréhender le film, mais le titre (qui trouve son explication dans une dernière séquence frontale et intense) suggère l’impact d’une déflagration intime, et il apparaît évident qu’au-delà de ce jeune frère, Pablo Stoll dresse aussi le portrait de son complice envolé. Après la réussite et la maîtrise discrète de Whisky, ce duo de cinéma semblait parti pour de longues et belles aventures. Et de cet élan coupé, cette complicité brisée nette, Hiroshima parle aussi, mais pour mieux les conjurer : comme un film qui, après une longue période de silence ou de crise d’inspiration se refuserait à voguer sur le deuil et réapprendrait à marcher, à regarder les siens avec confiance et respect, un film où l’on ressentirait très fort cette profonde énigme : comment dresser le portrait des êtres proches et mystérieux que l’on croît connaître mais qui partagent toujours un jardin secret, parfois douloureux ? Filmer, partager, portraiturer pendant qu’il est encore temps, c’est somme toute le contrat minimum et essentiel de cet Hiroshima, qui sous ses airs de court-métrage rallongé, a de plaisantes allures de First days : une errance somnambulique qui serait un retour à la vie.