Lorsque j'ai découvert, il y a près d'un an maintenant, le charmant minois de messieurs Jude Law et Robert Downey Jr pour
incarner les compères Watson et Holmes, je faisais partie des mécontents, par anticipation. Tout simplement parce que, de ce que j'en avais lu, Holmes ne m'évoquait aucunement le sémillant Downey
Jr, ni Watson le charmant Jude Law. D'emblée, j'imaginais d'avantage un Hugh Laurie pour jouer du violon et fumer la pipe en extrapolant sur des détails saisis à la volée sur une scène de crime.
Pas convaincue, donc. Néanmoins, j'attendais le résultat avec impatience.
Une impatience qui, inutile de vous en faire mystère plus longtemps, a été plus que largement récompensée. Et voici pourquoi...
"- Il est tout aussi brillant que vous, et infiniment plus sournois."
"- Alors ça je demande à voir."
Première constatation: le choix de Robert Downey Jr était infiniment judicieux pour incarner cet Holmes. Surtout quand on sait que la prétention
principale ici est de dépoussiérer le mythe. Un sacré lifting, et une bonne cure de jouvence, voilà ce que Guy Ritchie a mitonné pour le célèbre détective. Et
c'est plus que réussi. N'en déplaise aux puristes, cet Holmes-ci est infiniment plus fringuant, il est vrai, mais ne s'éloigne pas tant que cela du personnage créé par sir Arthur Conan
Doyle. A mon sens, les scénaristes ont fait ressortir ici l'essence première du détective, en omettant aucun des traits caractéristiques de celui-ci, mais bien au contraire en les
sublimant.
Rien n'est laissé au hasard: son goût pour un certain désordre ordonné, ses expériences étranges, son goût de la logique et sa fantastique faculté de déduction, son habitude de jouer du violon
lorsqu'il réfléchit, sa défiance des femmes et sa relative misanthropie... Ainsi, ses relations avec les autres personnages sont conditionnés par sa personnalité dominante, et
comparables à celles qu'il entretient dans les romans originaux: sa passion contrariée pour Irène Adler (seule femme qui trouve grâce à ses yeux pour lui avoir damé le pion par
deux fois, et à laquelle il voue une certaine fascination), son mépris sympathique de Scotland Yard et de l'inspecteur Lestrade (qu'il arrose copieusement de savoureuses critiques), son
aversion pour le reste du monde, qu'il juge inintéressant la plupart du temps, se lassant rapidement de ses congénères, dans la mesure où il se juge au-dessus du lot (ce qui n'est sans doute pas
complètement faux). Les moments les plus à même de rendre hommage au personnage demeurent ceux où, d'une seule tirade et sur le ton de l'évidence la plus élémentaire, Holmes fait démonstration de
ses talents en énumérant sans fausse note les détails l'ayant mené au pourquoi du comment. Magistral! Bref, un Holmes fidèle à l'original, un rien plus vivace et plus impétueux (celui-ci
donne dans la savate avec brio), et fort bien campé par l'un des comédiens les plus doués du moment.
L'atout majeur de Downey Jr, c'est cette capacité ahurissante qu'il a de faire le clown à la perfection et d'émouvoir profondément la seconde suivante. Il
parvient à déployer une palette d'émotions infiniment nuancées, infiniment subtiles, suivant la variation de l'histoire au diapason. C'est quelque chose qui m'a toujours frappé, et dans tous ses
rôles. Cette tendance prononcée pour le cabotinage, qui ne parvient jamais totalement à dissimuler cette émotion, en-dessous, assortie de cette gestuelle si caractéristique, si spécifique... Un
acteur funambule au potentiel incroyable qui, ici, fait des merveilles avec le complexe Holmes, dont il parvient à tirer à la fois le caractère prétentieux et profondément sarcastique, mais aussi
à laisser paraître, en demi-teinte, les fêlures d'un homme pas en phase avec son temps. Un travail d'orfèvre.
"Cela me change vraiment l'existence d'avoir quelqu'un sur qui compter en toute circonstance..."
Outre son interprète principal qui se révèle bien plus qu'à la hauteur du mythe, l'argument le plus valable ici est le duo Holmes/Watson. Mené avec maestria par Downey Jr et Law, les deux accolytes s'en donnent à coeur joie (et ça se voit) pour donner vie à ce duo d'anthologie, de répliques
cinglantes et petits clins d'oeil amicaux, où l'attachement des deux hommes est plus que palpable, à l'image d'un vieux couple soudé par le temps. Et là, on flirte avec le buddy movie, avec
beaucoup d'allégresse. Leur relation sous-tend tout le film, dans la mesure où celui-ci rend compte de ce qui doit, normalement, être leur dernière enquête commune, Watson ayant décidé de se
mettre en ménage, au grand désarroi de Holmes. Dés lors, tout est prétexte à conflit entre eux: le choix de la fiancée, la garde du chien, l'impossibilité de passer d'une existence trépidante au
service de la justice à celle d'un bon médecin de banlieue, etc... On a la sensation d'assister à de perpétuelles scènes de ménage entre les deux compères, durant lesquelles Holmes finit toujours
par obtenir gain de cause, à peu de chose près. Car les deux larrons ne peuvent se passer l'un de l'autre, que ce soit Holmes et son handicap à s'attacher aux autres, ou Watson, qui ne peut se
résoudre à laisser son meilleur ami livré à lui-même. L'expression d'une fraternité transcendante, bourrée d'humour et d'affection, qui donne lieu à de savoureuses séquences de prises de
becs ou de sauvetages mutuels. Entre eux, c'est explosif, mais follement attendrissant, et leur numéro de duettiste contribue à faire de ce blockbuster moins calibré que d'habitude un
divertissement de haute volée.
Outre cette relation fort bien retranscrite et étonnamment remise au goût du jour (certains y verront peut-être une relation crypto-gay...), la vraie prouesse ici a été de me réconcilier avec
Jude Law qui, jusqu'ici, n'avait pas trouvé grâce à mes yeux (n'étant pas friande du bellâtre, je n'ai pas non plus poussé l'expérience cinéphilique au
maximum). Dans Sherlock Holmes, j'y ai découvert non seulement un acteur de talent, mais surtout un potentiel
énorme pour la comédie. Tout bonnement hilarant dans ce rôle de justicier convaincu incapable de résister aux facéties de son ami et ultra-protecteur à son égard (c'est-y pas mignon,
franchement?), sa composition rafraîchissante du Dr Watson est parvenu à déguinder un peu le-dit personnage, tout en lui conférant une vraie place aux côtés de Holmes (jusqu'ici, j'avais toujours
considéré Waston comme un type plutôt effacé). Charmant.
"- Demain, le monde tel que vous le connaissez finira."
"- Alors il s'agit de ne pas perdre un instant, pas vrai?"
Un calibrage irréprochable donc, tandis que la fin, parfaitement amenée, amorce la suite dans laquelle Holmes affrontera le non moins célèbre Moriarty.
J'en salive d'avance...
"- Sommes-nous mal partis?"
A priori, je dirais que non. Le succès du film est d"ores et déjà démontré, et la suite est déjà sur les rails. Tout ce que l'on peut souhaiter à cette nouvelle franchise, c'est une longue
carrière, jalonnée d'intrigues tout aussi trépidantes et jouissives et menée de la même main de maître que cet opus-ci. L'entertainment a trouvé sa nouvelle mascotte!
En bref, moi j'ai pris mon pied! La suite, et plus vite que ça!
*Indice de satisfaction:
*2h08 - Américain, brittanique, australien - by Guy Ritchie - 2010
*Cast: Robert Downey Jr, Jude Law, Rachel McAdams, Mark Strong, Kelly Reilly...
*Genre: Les deux font la paire
*Les + : Un dépoussiérage en règle qui ne trahit nullement le postulat de base de Sherlock Holmes. On jubile,
de bout en bout!
*Les - : L'attente jusqu'au prochain opus va être interminable!
*Liens: Fiche film Allocine
Site officiel
*Crédits photo:
© Warner Bros