Esther Duflo a fait paraître hier un article dans le Monde (11 janvier 2010).
En intitulant son papier « Microcrédit, miracle ou désastre ? », Esther Duflo choisit de poser les questions qui agitent le monde du microcrédit depuis quelques mois. Après le succès planétaire de Yunus comme Prix Nobel, et les critiques sur le microcrédit relayées par les médias (cf notre post sur le reportage d’Envoyé Spécial), Esther Duflo apporte le point de vue d’une chercheuse en économie, et indique d’abord que qualifier le microcrédit d’inutile ou même nocif parce qu’il n’est pas la solution miracle à la réduction de la pauvreté est insuffisant.
Avant tout, un mini point biographique : Esther Duflo est chercheuse au Massachusetts Institute of Technology, où elle a co-fondé le Poverty Action Lab, qui regroupe des chercheurs spécialisés en économie du développement. Esther Duflo a aussi animé la chaire Savoirs contre Pauvreté au Collège de France.
Dans son article, Esther Duflo soulève plusieurs points importants :
Il n’y avait pas jusqu’ici d’étude claire de la situation des bénéficiaires du microcrédit. En s’intéressant à quatre grandes institutions de microfinance qui se sont prêtées au jeu de l’expérimentation, Esther Duflo et d’autres chercheurs ont pu comparer les situations de personnes qui bénéficiaient de microcrédit avec celles qui n’en bénéficiaient pas. Les résultats sont mitigés : en effet si les familles bénéficiaires de microcrédit ont davantage acheté de biens durables, ont investi dans leur petite entreprise s’ils en avaient une. Les chercheurs du Poverty Action Lab utilisent souvent la méthode des « randomized controlled trials » ou essais contrôlés aléatoires. Je ne sais pas si E. Duflo a appliqué cette méthode au cours de l’étude en question.
L’étude n’a pas montré de surconsommation de la part des bénéficiaires de microcrédit.
Mais pas non plus d’impact visible après 18 mois sur la santé, la scolarisation ou le pouvoir de décision des femmes bénéficiaires.
Le microcrédit finance souvent des activités à faible croissance, pas des start-ups… pourquoi ?
Esther Duflo relève que le système de responsabilité solidaire pour le remboursement des prêts peut inciter les membres du groupe à ne pas s’engager pour les projets les plus risqués et potentiellement les plus rentables, par peur de devoir rembourser pour l’entrepreneur défaillant. La responsabilité solidaire serait donc peu propice à la prise de risque et donc à l’investissement dans une entreprise à fort potentiel.
Similairement, quand un entrepreneur emprunte auprès d’une institution de microfinance, il ou elle est souvent tenu de commencer à rembourser dès la semaine suivante… Ce qui n’est pas très favorable à de l’investissement à plus long terme.
Esther Duflo remarque enfin que le microcrédit amène beaucoup de personnes à devenir entrepreneurs par défaut, et à monter une entreprise faute de trouver un emploi dans une activité salariée (voir l’exemple thaïlandais cité par E. Duflo)
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