Comme chaque jour, je descends les marches du métro, mon exemplaire de l’intellectuel mais gratuit « 20 minutes » à la main. Le temps de monter dans la rame et mon œil se pose sur la nouvelle du jour « Un chantier archéologique pillé ». Indéfendable bien sûr.
Mais je ne vous parlerai pas des ruines gallo-romaines, qui doivent intéresser pas loin de 0,01% de notre population. Non, en fait, ce papier m’a fait indirectement penser au plus récent de nos grands musées (en taille je précise) Parisiens, fer de lance du pillage en règle des civilisations disparues.
Le Quai Branly est un défi architectural de l’extérieur mais une misère considérable de l’intérieur. J’y ai posé les pieds deux fois : la première pour le découvrir, la deuxième pour le faire découvrir. Force est de constater qu’une deuxième visite n’arrange rien, pis, aggrave un sentiment de malaise.
Car le Quai Branly, musée de son prénom, enfant du retraité Jacques C., n’est rien de plus qu’un repère de pièces d’une rareté incroyable, importées pour on ne sait quelle raison dans ce bunker sous-éclairé.
J’ai cherché et je cherche toujours l’explication : que font tous ces objets à Paris ? Le musée se définit comme « musée des arts et civilisations », mais de quel droit ?!
Pouvons-nous imaginer un instant un musée dans la campagne profonde du Mozambique, qui exposerait en permanence des pièces uniques d’armurerie de la féodalité française ?
Est-ce une façon de limiter le trafic illégal de pièces d’art en les sauvegardant dans une structure elle, légale ? Est-ce le centre mondial de la conservation d’objets anciens ? Bidons comme excuses…
Je veux bien croire que les collections sont des dons de particuliers ou d’entités ayant donné leur accord, signé, paraphé et encais… pardon, transféré leurs merveilles. Mais ne seraient-elles pas mieux dans leur pays d’origine ? Nos générations futures vont pouvoir s’abreuver de culture étrangère, améliorer considérablement leurs connaissances, être des pros au Trivial Pursuit…
Oui c’est bien, mais les générations futures d’Océanie, d’Amérique centrale, d’Afrique… elles font comment si on leur pique tout leur patrimoine ? Ca ne sent pas un peu le dérèglement tout ça ?
« Oui, mais la France, elle a du blé, elle respecte, elle bichonne, et elle veut devenir la capital de l’art premier ; et en plus si on redonner tous les objets à leur pays d’origine, on va plus rien voir. »
Ce qui n’est peut-être pas si mal. A force de tout rapatrier en France, on ronge nos relations avec les autres pays. C’est la politique de la télécommande : on a tout sous la main donc on se déplace pas.
Imaginez : vous vous payez votre voyage dans l’est de l’Afrique, et s’offre à vous un musée de l’histoire locale… « Ah bah non chérie, on a déjà quasiment tout vu à Branly »… tip top non ?
C’est quoi le Monde, c’est un ensemble de cultures, de modes de vie, de principes, d’us ; et non pas un éternel fossé entre les puissants et les poussins.
Si vous vous fichez de cette inégalité comme de votre premier slip (ce dont vous avez le droit), le Quai Branly vous fera absorber des centaines de chemises, masques, statuettes, armes et bijoux des cinq continents.
Au moins, vous sortirez avec assez d’images et de connaissances pour épater vos collègues, qui eux, découvrent avec effroi la une du « 20 minutes ».
Plus d’informations sur : http://www.quaibranly.fr
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