Ah que ça fait du bien ! Ah que c’est bon ! Et dire que Moulinsart voudrait interdire cette production de l’esprit, prenant pour prétexte idiot qu’elle serait une contrefaçon des aventures du journaliste à la houppette, alors qu’il s’agit bel et bien de celles, bien plus hilarantes de Saint-Tin, son ami Lou, le perroquet et du capitaine Aiglefin…
Comment ça, les personnages ne vous semblent pas tout à fait étrangers ? Hé donc ! Rien d’humain ne m’est étranger, ressassait Socrate ! Alors quoi ? Parce que de vagues similitudes et une couverture prétendument ressemblante feraient de ce roman, une sorte de référence à notre ami vêtu de pantalons de golf, le public devrait s’en voir privé ?
Au diable Moulinsart et que vive Le léopard démasqué. Car voilà : dans le moulin Tsar, une étrange épidémie d’assoupissement sévit, alors qu’un colporteur vient proposer ses pansements Victor Hurgo : tout le monde dans la maisonnée se retrouve à dormir, après avoir ressenti l’effet d’une piqûre étrange. Comble du comble, le professeur Margarine disparaît soudainement… Mais que diable se trame-t-il ?
Car l'affaire va tourner au sale, au pestilentiel voire au glauque pour reprendre les termes prisés par un philosophe de gouttière dont la pesanteur des textes et la multiplication des points-virgules n'a d'égal que le manque d'humour et l'irritabilité...
Ni une ni deux, Saint-Tin et Aiglefin, descendant de Russes blancs, et pourtant assez souvent noir lui-même, se rue en Suisse pour tenter d’éclaircir le mystère. Une affaire pleine de coucous, très ponctuels au demeurant, de vins et de petits suisses qui met en jeu une famine mondiale, un despote pas vraiment clair (ni éclairé), et un journaliste franchement empoté. Faut voir ce qu’il se traîne en guise de compagnons…
À la lecture de ce dernier tome des aventures de Saint-Tin, il faudra se résoudre : d’une part, Moulinsart n’a aucune forme d’humour – alors que, mince, les jeux de mots, même les plus crapuleux, foisonnent dans cet ouvrage – et c’est un fieffé jaloux qui gère les droits de Hergé aujourd’hui. D’autre part, ils n’ont jamais ouvert un des livres de Gordon Zola pour oser prétendre que ses livres pourraient faire de l’ombre à Tintin.
Oups. Mince. Zut. Crotte. J’ai écrit son nom… Diable : demain, peut-être vais-je rédiger ma prochaine chronique depuis les geôles belges…
L’affaire tourne au sale, c’est un petit livre férocement armé de la ferme intention de nous faire rire, et qui y parvient, pour peu que l’on soit sensible aux calembours, aux situations les plus improbables et à l’humour parfois potache. Dans le cas contraire, rabattez-vous sur les Pensées de Pascal, vous y trouverez de quoi passer le temps en attendant la mort.
Alors oui, c'est un peu court et l'on aurait apprécié quelques pages de plus et si l'on s'attache au scénario, il tient sur un ticket de millionnaire. Mais ici, l'intrigue est avant tout prétexte à la parodie et à l'humour, aussi n'est-il pas urgent de trouver des qualités proustiennes à un texte qui, lui, ne vous veut pas de mal...
Mais pour l’homme (et la femme !) d’esprit, voilà typiquement le libelle libel-rateur qui ravira petits et grands. C’est onctueux comme un fromage blanc à la confiture de fraise, finement écrit, et ça se déguste avec simplement l’envie de passer un bon moment. Plongez avec délectation dans cette affaire d’insectes prédateurs, de Suisses présumés et de rires préventifs.
Préventifs, contre la bêtise. Bien entendu…
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