La Ligue des droits de l'homme prend souvent des positions très marquées à gauche ou à l'extrême gauche. Cependant, certaines de ses analyses peuvent être très pertinentes. La critique de la société de surveillance vers laquelle les lois liberticides votées récemment nous emmènent fait partie de ces analyses qui méritent d'être connues. Extraits d'un entretien avec le président de la LDH, Jean-Pierre Dubois, dans Le Monde :
Pourquoi avoir lancé une campagne sur les libertés publiques ?
Parce que nous voyons converger une série de dérives et de régression des droits qui vont très au-delà de nos inquiétudes récurrentes. Il y a une histoire longue de ces dérives, qui commence à la fin des années 1970, mais sur cette tendance lourde se greffent des aggravations considérables.
Si nous revenions à l'époque de Georges Pompidou, nous serions surpris du "laxisme" des gouvernements. Cela paraît incroyable, mais avant 1970, la consommation de stupéfiants n'était pas un délit. En 1977, le Conseil constitutionnel interdisait à un policier d'ouvrir un coffre de voiture parce que c'était un élément du domicile. Et il n'y avait pas de législation antiterroriste dérogeant aux droits de la défense, permettant des gardes à vue prolongées, débouchant sur des détentions provisoires de quatre ou cinq ans. Même l'extrême gauche n'oserait pas revenir aux années 1970.
Pourquoi cette évolution ?
Robert Badinter avait vu juste quand il parlait de "lepénisation des esprits". On pourrait démontrer qu'une bonne moitié du programme présidentiel de Jean-Marie Le Pen en 2002 est passé au Journal officiel depuis. C'est grave, mais malheureusement vrai.
Comment analysez-vous la loi sur la sécurité intérieure ?
Beaucoup de choses me choquent, mais le plus terrifiant, c'est la logique d'interconnexion des fichiers. Il n'y a pas une semaine où n'est pas créé un nouveau fichier de police, et on installe aujourd'hui un gigantesque carrefour du fichage et du traçage. Si l'on croise les GPS des voitures, les téléphones portables, les passes Navigo de la RATP, on aboutit à une localisation permanente des gens qui est fascinante.
La vidéosurveillance se transforme en vidéoprotection...
C'est la novlangue, comme on dit plan social pour plan de licenciement : nous protéger signifie désormais nous surveiller, et l'idéal du citoyen devient le détenu de Fleury-Mérogis, effectivement constamment sous "protection".
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