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A 30 jours du second tour des régionales, Ségolène Royal, avec Dominique de Villepin ou François Bayrou, appartient au groupe des rares leaders qui vont devoir prendre des décisions majeures dans un contexte politique probablement profondément changé. Les régionales peuvent en effet donner naissance à une nouvelle France politique.
Que sera le jour d'après ?
A ce jour, 6 changements majeurs semblent se dessiner.
En premier lieu, la victoire probable de la gauche sera d'abord la victoire du camp le plus mobilisé. Avec 52 % de participation, la majorité présidentielle va mettre en question la représentativité du scrutin. Elle va le régionaliser et surtout montrer qu'à mobilisation plus forte le résultat pouvait changer.
La gauche va jouer la carte de la victoire tandis que la majorité présidentielle va sortir celle du "tous perdants".
En second lieu, le score va remettre en cause la logique de la stratégie présidentielle de l'union pour arriver en tête au premier tour. Le scrutin va démontrer qu'il est possible d'arriver en tête au premier tour mais en seconde position au second tour.
Ce n'est pas la position de premier qui fait la victoire au second tour mais l'ampleur de l'écart avec les suivants.
L'opinion accompagne le vainqueur du premier tour à la condition qu'il ait largement devancé ses concurrents. Faute d'un tel écart significatif, l'enjeu reste d'abord celui des réserves de voix par les accords avec les partenaires.
En troisième lieu, ce scrutin va consacrer une génération de barons socialistes qui veulent désormais du pouvoir national. C'est d'abord une logique d'âges. Ils ont fait le tour des pouvoirs locaux. Ils rêvent de la consécration ministérielle qui est désormais le moteur de leur dernier enthousiasme.
C'est ensuite une logique de conjoncture. Le prochain pouvoir en 2014 apparaît flou. La réforme des collectivités locales manque de lisibilité. Elle semble "rapetisser" les exécutifs locaux.
En quatrième lieu, elle va consacrer un nouvel équilibre avec un pôle de gauche qui a retrouvé un équilibre entre deux voire trois forces complémentaires là où la majorité présidentielle semble seule.
Le PS a payé le prix fort de la chute du PCF. Globalement, la gauche a été fragilisée par le tassement de son partenaire.
Désormais, le PS peut compter sur deux nouveaux partenaires installés à des niveaux élevés : les Verts et leur score à deux chiffres, le Front de gauche entre 6 et 8 %. Si les Verts réalisent une moyenne de 13 %, le PS une moyenne de 25 % et le Front de Gauche de 6 %, un pôle de gauche s'installe à plus de 40 %. Il faut remonter aux "belles années" de la gauche pour retrouver un tel seuil.
En cinquième lieu, au moment où la gauche stabilise un seuil cumulé élevé, la droite présidentielle est fragilisée par deux manquements durables. Il lui manque une "seconde jambe". Le Nouveau Centre n'existe pas. Il lui manque son unité. La coupure avec le "gaullisme social" incarné par Dominique de Villepin est ancrée dans le durable.
En sixième lieu, le Modem va s'installer comme une inconnue toujours plus grande.
Mais, à l'intérieur même de cette inconnue, trois évolutions non négligeables sont intervenues.
Tout d'abord, le Modem est devenu une parti comme les autres avec ses batailles internes, des exclusions, des divisions violentes publiques. Il a perdu une part de rêve de "nouveau parti" qu'il pouvait porter.
Ensuite, il ne vit l'union qu'avec la gauche. Par conséquent, ce rôle de balancier non déterminé perd lui aussi de son poids.
Enfin, faute d'enracinement local après les échecs de 2008 puis de 2010, le Modem se réduit à la logistique de l'équipée présidentielle de François Bayrou. Il n'a plus de valeur ajoutée par rapport à cette dimension personnelle de son leader-fondateur. Sans nier que ce leader ait un coefficient personnel fort, là aussi, il faut remarquer qu'il va vivre sa troisième présidentielle et aura donc du mal à incarner le neuf. Il va la livrer dans un contexte de crise qui n'est pas nécessairement le plus favorable à son tempérament et à son discours.
Par conséquent, les régionales vont donner naissance à une probable nouvelle France politique.
La gauche "reprend la main". Il faut attendre l'étape des primaires pour attendre des déboires internes éventuels qui puissent la fragiliser.
Le créneau du "bipartisme à droite" va connaître des développements importants avec le lancement probable de la structure logistique de Dominique de Villepin sous la forme d'un parti politique. Par conséquent, c'est un bipartisme qui n'ajoute pas mais qui retranche.
Il s'ajoute un horizon social très sombre et un immédiat financier encore plus noir avec la gestion de la dette. Il est difficile d'imaginer plus mauvais tremplin pour le lancement de la présidentielle 2012 pour l'actuelle majorité.
Dans ce contexte très singulier, Ségolène Royal ne peut envisager la relance de sa qualité de présidentiable qu'en lançant un dialogue direct avec tous les Français dans un calendrier le plus rapide possible. Les primaires du PS seront ouvertes. Elles ne seront pas imperméables aux sondages. Son premier impératif est donc de redevenir gagnante potentielle au second tour d'une présidentielle.
Il en est de même pour Dominique de Villepin qui lui doit pouvoir compter sur une dynamique de recours face à une majorité présidentielle aussi fragilisée. Cette dernière est-elle ponctuellement fragilisée ou durablement démonétisée ? La réponse scellera pour partie les seuils de votes pour Dominique de Villepin avant le lancement actif de la campagne.
C'est bien une nouvelle France politique qui pourrait voir le jour dès le lendemain des régionales.
Le printemps 2010 s'annonce bien comme le véritable départ de la présidentielle 2012.