Le rapport sur le « bien-être et l’efficacité au travail », rédigé par 2 dirigeants d’entreprise Henri LACHMANN (Schneider Electric), Muriel PENICAUD (Directeur des Ressources Humaines de Danone) et le syndicaliste Christian LAROSE (CGT), a été présenté le 17 février dernier.
Dans leur avant-propos, les rédacteurs précisent que l’objet de ce rapport fait à la demande du Premier ministre est de proposer des mesures pour améliorer les conditions de santé psychologique au travail. Les travaux se sont déroulés du 15 novembre 2009 au 15 février 2010. ‘‘Il ne s’agit pas d’un rapport d’experts mais de « praticiens » : notre ambition était de mettre notre connaissance pratique du monde des salariés et de l’entreprise au service de ce sujet. Les dix propositions qui suivent, centrées sur l’entreprise privée, sont le reflet de nos expériences respectives, des nombreuses auditions que nous avons menées, mais aussi d’une conviction commune, celle que le sujet de la santé au travail réconcilie le social et l’économique ».
Investir dans la santé au travail est d’abord une obligation sur le plan humain : de plus, ce n’est pas une charge, c’est un atout pour la performance.
1. L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable : l’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés.
- Sensibiliser et impliquer le conseil d’administration aux questions de santé et sécurité au travail
- Compléter les critères d’attribution de la rémunération variable aux managers dirigeants. La performance sociale doit être prise en compte incluant notamment des indicateurs de santé, de sécurité et de conditions de travail.
- Affirmer une culture d’entreprise soucieuse de la santé des salariés. L’espace de travail est un facteur incontestable de bien-être au travail.
- Valoriser le rôle du collectif dans l’évaluation de la performance.
- Définir le bon niveau et la bonne utilisation des procédures de reporting afin favoriser le temps consacré au management des équipes.
2. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas : les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé. 64 % des salariés souhaiteraient développer les occasions d’échange informel avec leur supérieur hiérarchique (TNS Sofres, Salariés et sortie de crise, 2009) mais ce dernier est confronté à des difficultés nouvelles de positionnement. Différentes pistes de réflexion sont avancées :
- Atténuer le caractère excessivement matriciel de certaines organisations. Chaque salarié doit pouvoir identifier clairement son supérieur hiérarchique.
- Réaffirmer les compétences de décision et pas seulement d’exécution du manger de proximité. Ce dernier doit disposer de marges d’adaptation et de décision pour optimiser l’efficacité et la cohésion de son équipe.
3. Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail : restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail. Si les salariés constituent la ressource stratégique de l’entreprise, ils doivent pouvoir s’exprimer et prendre des initiatives. Cela suppose de :
- Généraliser les espaces de discussion sur les pratiques professionnelles.
- Systématiser les marges d’autonomie dans l’organisation, y compris dans l’application des process et dans les métiers les plus répétitifs et contraints.
- Systématiser les possibilités de recours au supérieur hiérarchique de niveau n+2 et à un responsable de ressources humaines de proximité en cas de problème.
4. Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé. Le dialogue social, dans l’entreprise et en dehors, est une priorité. Il est prioritaire de recréer de la régulation sociale sur les sujets de santé au travail en relançant la négociation :
- Au niveau de la branche, en négociant sur les facteurs de risques pour la santé psychologique propres à chaque métier.
- Les entreprises de plus de 50 salariés devraient prévoir un bilan et un plan d’action annuels sur le sujet des risques psychosociaux.
- Le soutien à la prise en charge des risques psychosociaux au sein des très petites entreprises (TPE), en négociant la mise en place de plans d’action, au niveau des branches professionnelles. Des comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) départemental interentreprises pourraient être mis en place.
Les dispositions du Code du travail relatives au CHSCT pourraient être modifiées afin de :
- Renforcer la formation de ses membres sur les sujets de santé psychologique.
- Donner une nouvelle légitimité au CHSCT.
- Clarifier la répartition de ses compétences avec les autres institutions représentatives du personnel (IRP).
- Adapter ses moyens aux enjeux de sa mission.
5. La mesure induit les comportements : mesurer les conditions de santé et sécurité au travail est une condition du développement du bien-être en entreprise.
- Élaborer un diagnostic objectivé et discuté par l’ensemble des parties prenantes, étape-clé pour la conception et la réussite du plan d’action.
- Adapter la gamme d’outils disponible sur la base du constat partagé.
- Disposer d’un nombre peu important d’indicateurs ou de questions mais traduits tous en actions que de réaliser un état des lieux très fouillé mais trop complexe pour être suivi d’actions.
6. Préparer et former les managers au rôle de manager : affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes. La première exigence est donc d’intégrer systématiquement la dimension humaine dans la formation initiale des futurs managers : d’ici trois ans, les diplômes de titre I ou II délivrés par les écoles de commerce et d’ingénieurs devraient tous inclure obligatoirement un module de formation à la responsabilité sociale et au management d’équipes.
Les entreprises devraient :
- Investir beaucoup plus fortement dans des programmes de formation de leurs managers à la conduite des hommes et des équipes, et aux comportements managériaux.
- Accompagner systématiquement la promotion à un poste de manager d’une formation conséquente aux responsabilités sociales et humaines du manager.
7. Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus : valoriser la performance collective pour rendre les organisations de travail plus motivantes et plus efficientes.
Les entreprises peuvent développer le collectif de différentes façons :
- Par des marges de manœuvre dans l’organisation collective du travail : il s’agit de valoriser les solutions collectives apportées aux difficultés dans le travail.
- Par la valorisation collective de la performance, en introduisant dans la rémunération variable des managers des critères collectifs et pas seulement individuels.
8. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements : tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement.
- Faire précéder toute démarche de changement majeur d’une étude d’impact humain
- Enrichir d’un volet « santé » les différentes étapes du dialogue social dans la mise en oeuvre des restructurations
9. La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise. L’entreprise a un impact humain sur son environnement, en particulier sur ses fournisseurs.
- Intégrer l’impact humain chez les fournisseurs dans les délais de mise en œuvre des décisions économiques.
- Mettre en place des chartes exigeant des fournisseurs qu’ils respectent un certain nombre de critères sociaux.
10. Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes. Accompagner les salariés en difficulté implique de :
- Sensibiliser le plus largement possible l’ensemble des acteurs à la santé au travail.
- S’appuyer sur les services de santé au travail.
- Redonner de la place à l’écoute sur les lieux de travail.
En savoir plus : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000081/0000.pdf
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