Nous assistons à l’installation du marché aux aurores, véritable ballet de tréteaux, de bancs, de chevalets, de poutres, de planches, de branches, de cordes, de grandes bâches noires et bleues en plastique et de petites charrettes. La grande mosquée qui semble surgir de terre se retrouve peu à peu cernée de stands bricolés et d'amas de caisses en bois, de paniers, de tissus panachés et de sacs et cabas de jute. Nous essayons de restés focalisés sur l’agencement des étals par les hommes et les enfants, sur les couleurs flamboyantes des pagnes et des boubous des femmes, les chapeaux des bergers peuls en cuir noir et rouge qui émergent de la foule, l’odeur pestilentielle des poissons séchés, rien n’y fait, nous sommes irrémédiablement attirés par cette gigantesque dame de terre crue, le plus grand édifice au monde en banco, cette mosquée de style architectural soudano-sahélien, dont elle est sans doute la plus extraordinaire représentation. Ses minarets de 20m surplombent la place du marché, ils sont flanqués de faisceaux de branches de palmiers qui couvrent la quasi totalité des murs et servent d’échafaudage lors des campagnes de rénovation du monument. La grande mosquée de Djenné nous observe majestueuse, et nous contemplons en retour ses formes arrondies.
Nous retrouvons Adama qui nous fait faire un petit tour de la ville. Adama est le fils du propriétaire d'un des hôtels de Djenné et est grand amateur de proverbes. Nous nous faufilons à travers le labyrinthe de ruelles à l'écart de l'agitation du marché, intrigués par les menuiseries d'influence marocaine décorées d'arabesques et de clous, les écoles coraniques, les terrasses d'où l'on jouit d'une vue grandiose sur la cité. Conquis, à un point que nous paraissent bien loin nos déboires de la veille.
De l'autre côté de la ville, impressionnant déchargement de fagots de bois que les femme portent sur le marché en ondulant, mêlant grâce et puissance. Elles passent à proximité de Tapama, jeune fille vierge Bozo emmurée pour conjurer le mauvais sort qui ne cessait de s'abattre sur la ville peu de temps après sa construction.
Retour sur le marché, les étals débordent à présent de marchandises, le mil, le riz et autres produits agricoles venant du Sud faisant face aux trésors du Nord, les barres de sel du désert, les poissons des grands lacs. Matthieu comme à son habitude (et il a eu d'ailleurs très souvent raison) résiste aux friandises, beignets et autres tentations que l'on nous glisse sous le nez. Pas moi. Je goutte tout ce qu' Adama m'offre gentiment. Nous prenons notre temps pour découvrir chaque parcelle de cet incroyable foire hebdomadaire, "plus vite que la musique, on danse mal".
Direction Sévaré vers 17h à bord d'un taxi brousse tout rouillé, démarrage demain de notre trek de 5 jours en pays Dogon !