La reconstruction d’Haïti donne lieu à une multitude de conférences de « donateurs », dont une, annoncée par le président de la République française, devrait avoir lieu aux Antilles à la fin mars. Aucune de ces conférences ne semble cependant prévoir la reconstruction politique d’un pays frappé, avant le cyclone, par un coup d’État perpétré par les USA et la France. De nombreux médias haïtiens font pourtant état d’une importante manifestation qui aurait accompagné la visite du chef de l’État français, le 17 février dernier, avec plusieurs milliers de participants – des jeunes pour la plupart – qui réclamaient très explicitement à M. Sarkozy le retour du président Jean-Bertrand Aristide, victime du coup d’État de 2004 et exilé en Afrique du Sud.
Il a été également observé que le président René Préval, élu par les partisans de M. Aristide, qui entendaient à travers ce vote permettre le retour dans son pays du président enlevé, était très chahuté ces derniers temps, au motif qu’il n’aurait pas rempli son engagement. Le parti Lavalas, fondé par le président Aristide, qui en demeure le chef, avait été récemment exclu des prochaines élections législatives, à la suite d’une décision du conseil électoral provisoire, le CEP, qui se trouve être placé sous la tutelle des pays occidentaux qui, de fait, contrôlent la vie politique haïtienne. L’exclusion de la force politique largement dominante dans le pays empêche évidemment toute élection digne de ce nom, c’est à dire libre et démocratique. Faute d’élection libre et démocratique, on voit mal commet la reconstruction d’Haïti pourrait être gérée sans un risque de mainmise des pays donateurs sur un pays apparemment très convoité.
Ce qui gêne les Occidentaux, c’est que la participation de Lavalas aux élections assurerait très certainement à ce parti un succès écrasant. Ce succès serait évidemment incompatible avec le maintien en exil – arbitrairement décidé par les USA et ses partenaires – du chef de ce parti. Or tout le monde connaît l’attachement de Jean-Bertrand Aristide à l’indépendance de son pays. Tout le monde sait, par ailleurs, que c’est pour avoir posé la question du remboursement des 21 milliards de dollars extorqués par la France aux Haïtiens à partir de 1825, pour prix de leur liberté, que la France a soutenu le coup d’État de 2004. Su ce coup d’État, on lira avec profit l’excellent livre de Randall Robinson Haïti, l’interminable souffrance, paru il y a quelques jours, que tous les journalistes français, favorables au coup d’État de 2004, passent évidemment sous silence.
Claude Ribbe ...